Premier président de l'Algérie indépendante, Ben Bella a été destitué et emprisonné pendant de longues années. Ses ennemis lui avaient-ils jamais reproché une affaire de corruption ? Non. De même que pour Boumediene. L'homme était même exemplaire sur la question : aucun membre de sa famille n'est connu pour s'être enrichi d'une façon ou d'une autre. On disait par contre de Chadli que sous son «règne», la corruption s'était étendue à tout le pays. Un ex de ses chefs de gouvernement, Brahimi, avait même donné le chiffre de 26 milliards de dollars. Un de ses proches, le général Belloucif, avait été inquiété un temps par la justice. Mais sur Chadli lui-même, ou sa famille, rien n'a jamais été prouvé. Il a continué à vivre, après sa «démission», en Algérie, jusqu'à sa mort, sans qu'on lui connaisse une quelconque fortune dont il aurait pu jouir illégalement. Belaïd Abdesselam, ex-grand ministre de l'Industrie sous Boumediene, ne l'aurait pas raté lui qui a consacré des ouvrages explosifs à sa gestion du pays, l'accusant même de «trahison» jamais de corruption. Et cela continue avec Boudiaf, Zeroual et Bouteflika. Des années ont passé sans que personne, dans l'opposition ou ailleurs, puisse fournir le moindre indice pour étayer des soupçons de corruption. Il n'est pas facile de dissimuler longtemps des biens mal acquis, les scandales révélés sur tant de chefs d'Etat africains ou arabes, même lorsqu'ils utilisent des prête-noms, le montrent amplement. Qu'est-ce à dire ? Nos princes seraient-ils tous vertueux, au point qu'on peut les accuser de tout sauf de vol ? On serait enclins de le penser. Le fait est que la corruption s'est largement répandue dans la société algérienne, à tous les niveaux de l'administration, cela est prouvé. Le problème est qu'aujourd'hui, elle semble toucher le sommet de l'Etat, des hommes qui ont exercé le pouvoir en tant que ministres notamment. C'est cela la nouveauté. Chakib Khelil en est l'illustration. Accusé par la presse de tous les méfaits, son silence même vaut aveux de sa culpabilité. Plus que de sa culpabilité, du caractère éminemment politique du crime de corruption que les médias lui reprochent. Car son silence signifie bien que, ne se souciant pas de l'opinion nationale pour sa réputation ou son honneur, il laisse non à la justice mais au pouvoir en place la responsabilité de trancher les affaires dont il est question. Voilà ce que semble dire le silence de Chakib Khelil. Pour autant, les interventions médiatiques de Mohamed Bedjaoui qui, lui, parle d'honneur à propos des liens qu'il aurait, outre sa parenté, avec son neveu Farid, vraisemblablement impliqué dans diverses affaires liées à Sonatrach, signifient-elles son innocence ? Loin s'en faut. Le simple fait qu'il clame son innocence alors que personne ne l'accuse est troublant. Avait-il besoin de présenter son neveu à un responsable de Sonatrach ou de l'Energie, comme il nie l'avoir fait, pour être coupable ? Cette agitation qui tranche singulièrement avec le mutisme de Chakib Khelil apparait bien maladroite. Quoi qu'il en soit, l'affaire n'en restera pas là. A une année des présidentielles, beaucoup sont tentés d'établir des liens. Bouteflika est donc face à un véritable défi en raison du potentiel déstabilisateur de ces actes de corruption qui peuvent éclabousser beaucoup de monde. Sachant que c'est lui qui est visé en dernier ressort, il lui appartient d'user personnellement de son pouvoir pour châtier les criminels. Personne ne croira jamais que la justice algérienne est suffisamment armée pour traiter en toute indépendance des dossiers de cette nature. D'ailleurs n'est-il pas le plus haut magistrat du pays ? D'ailleurs, qui ne dit mot consent. Enfin, de quoi je me mêle ? Khelli l'bir beghtah.