Expression - La galerie d'art Aïcha-Haddad, sise à la rue Didouche-Mourad à Alger, abrite une exposition de peinture de l'artiste Sihem Aouati. L'exposition se révèle plus qu'une activité culturelle, c'est la consécration d'une artiste qui ne revendique pourtant pas ce titre. C'est la consécration du combat de toute une vie. Elle émet pourtant des réserves quant à ce titre et préfère dire : «Je suis toujours en apprentissage. Pour être artiste, il faut des années d'expérience et de travail.» Avec ses 23 tableaux, l'artiste propose une exposition intitulée «Fouta» ; celle-ci est d'ailleurs omniprésente dans ses toiles, tantôt portée, tantôt objet de décoration. «Je considère la fouta comme un élément représentatif de notre culture. Elle est propre aux Algériens. J'entretiens avec cette fouta un rapport très intime», nous dit Sihem Aouati. Son art relève du figuratif. Elle peint des thèmes ayant trait au patrimoine et à l'héritage ancestral, tels que des objets traditionnels : poteries, tissus avec motifs berbères... Dans le tableau «Toujours solide», l'artiste fait référence au «h'zem» (ceinture). «Le h'zem représente la culture qui s'impose malgré nous, on ne peut la fuir ou l'éviter», explique-t-elle. «Culture brisée » est le titre d'un autre tableau qui représente deux jarres dont l'une est cassée. «Chez moi, je collectionne des objets traditionnels. Une fois j'ai cassé une jarre et j'ai dit : ‘'Culture brisée''. En peignant ce tableau, j'ai décidé de lui donner ce titre, mais je voulais, en même temps, garder une lueur d'espoir, pour dire que la culture est toujours présente. C'est pour cela que j'ai peint, sur le même tableau, une autre jarre en bon état.» Pour exprimer son désarroi quant à la détérioration de La Casbah, Sihem Aouati peint deux femmes en haïk blanc dans un décor sinistre aux couleurs grises. Le blanc s'immisce en reflet pour maintenir l'espoir de sa sauvegarde. Le patrimoine n'est pas l'unique intérêt de cette artiste. L'environnement aussi fait partie de son univers artistique. Celle dont l'enfance a été marquée par des paysages pittoresques, regrette que ces mêmes paysages soient défigurés par le béton. Un sentiment de regret mais également de révolte est exprimé dans ses peintures, à l'exemple de «Pitié au secours !», «La main destructive», «Projet de construction» ou «C'est promis». Sihem Aouati, la trentaine, a gardé un cœur et une imagination d'enfant. Hémiplégique depuis l'âge de 10 ans, les longues années de traitement et des opérations au cerveau l'ont obligée à quitter l'école, c'est ainsi que, pour briser sa solitude, elle s'adonne à la peinture et au dessin. «Ça a commencé avec une boîte de peinture qu'un coopérant espagnol a donnée à mon frère et à moi. Pour mon frère c'était un jeu, mais, pour moi, c'est devenu une passion et depuis je n'ai plus cessé de peindre », dit-elle.