Résumé de la 2e partie - Mais qui attend le docteur sur ce quai de gare ? Au début, je n'avais pas grande pratique, venant juste de terminer mes études à la veille de la mobilisation de 1939. Et ce n'est pas ce que l'on apprend comme médecin-lieutenant d'un bataillon d'infanterie – et ensuite dans un Oflag – qui peut faire acquérir l'expérience ! II fallait la clientèle : maintenant je l'ai, mais le drame que je viens de vivre me prouve qu'il me faudra encore des années avant d'avoir le diagnostic infaillible de mon père. Si j'étais sur ce quai de gare, c'était pour venir y chercher celle dont j'avais besoin : une infirmière assistante. Je ne pouvais plus suffire : elle me seconderait pour faire les piqûres, donner les soins à domicile, noter les rendez-vous... Pourquoi avais-je choisi cette femme plutôt qu'une autre ? Parce que mon bon maître de la Faculté, le professeur Berthet, me l'avait recommandée, et que je connaissais la sûreté de son jugement sur ses collaborateurs directs. Je me souviendrai toujours de la première entrevue que j'eus avec elle. Ce fut dans le bureau de mon ancien maître à l'Institut du cancer. Depuis quelques années, le professeur Berthet avait abandonné sa chaire à la faculté de médecine de Paris pour se consacrer entièrement à des recherches sur le cancer. Pour le voir, je dus donc me rendre à Villejuif. Il me reçut avec son affabilité proverbiale. Je le sentais heureux de retrouver l'un de ses anciens élèves. Après m'avoir demandé si je réussissais dans ma petite ville de l'Ouest, il me dit avec cette brutalité que j'appréhendais tant autrefois à la Faculté : – «Alors, mon petit, dites-moi la raison qui vous amène ?» Je lui expliquai qu'il me fallait une infirmière qualifiée pour me seconder. Mais n'étant pas marié, il était indispensable – pour ne pas choquer la mentalité assez étroite d'une petite ville – que ce ne fût pas une femme trop jeune et que sa moralité fût irréprochable. Je pensais que nul, mieux que mon grand patron, ne pourrait me trouver cette collaboratrice rare. Après avoir réfléchi pendant quelques instants, il me dit : – «Je crois avoir ici même, la personne qui vous convient. Elle possède tous ses diplômes et travaille dans mon service depuis dix années. Je dois même reconnaître que c'est la première fois de ma vie que je n'ai pas eu à faire une seule observation à une infirmière ! Vous vous demandez pourquoi je suis prêt à me séparer d'une telle collaboratrice ? Simplement parce qu'elle manifeste depuis quelques mois le désir de s'en aller : je crois que l'atmosphère très particulière de notre Institut spécialisé dans l'étude et les soins du cancer ne lui plaît plus. Il n'y a pas de jour où elle ne répète : – « J'en ai assez de Villejuif ! Je veux partir», mais comme tous ceux qui ont vieilli sous le harnais, elle reste toujours... En réalité, elle cherche une situation ressemblant à celle que vous proposez : son rêve est de devenir l'assistante d'un médecin qui soit en contact permanent avec la clientèle courante. (A suivre...)