Histoire - C'est aujourd'hui que s'ouvre au Musée d'art moderne et contemporain d'Alger (Mama), l'exposition intitulée : «Les photographes de guerre, les djounoud du noir et blanc». Organisée par l'institution muséale, en collaboration avec l'Agence algérienne pour le rayonnement culturel (AARC), cette exposition s'inscrit dans le cadre de la célébration du cinquantenaire de l'indépendance de l'Algérie. Elle se veut une consécration aux célèbres photographes du monde entier engagés à la faveur de la Révolution algérienne et qui, au prix de leur vie, ont réalisé des photoreportages dans les maquis. L'exposition rassemble des photos de professionnels – connues pour certaines et qui ont fait le tour du monde – et d'autres d'amateurs ou anonymes inédites. Les photos exposées racontent la vie des moudjahidine, des femmes et des enfants au maquis, leur quotidien, leur combat, leur douleur et surtout leur espoir. L'exposition rappelle que face à la machine meurtrière de l'armée française, l'image s'est révélée une arme de combat incontournable. Avec peu de moyens, les responsables du FLN ont lancé une campagne d'images pour contourner la propagande française qui traitait «la guerre d'Algérie» comme un sujet parmi tant d'autres : une bande de bandits et de rebelles hors la loi. Pour cela, il fallait prendre l'image (photos et cinéma) afin de projeter un autre regard sur le combat du peuple algérien. L'image de l'arrestation de Larbi Ben M'hidi en 1956 donne l'exemple. Les deux côtés, français et algériens, donnent deux lectures et deux regards distincts. Un important chef rebelle pour les uns, un héros de la résistance pour les autres. L'internationalisation de la question algérienne constituait un objectif majeur. Les responsables du FLN, malgré les moyens rudimentaires dont ils disposaient, ont usé de tous les canaux médiatiques des pays amis et frères, et même français – ceux qui adhéraient au combat des Algériens pour l'indépendance – pour transmettre et diffuser les images de la Révolution. Le FLN a su mobiliser un bon nombre de journalistes et reporters internationaux pour influencer l'opinion internationale sur la question algérienne et montrer ce qui se passe réellement sur le terrain, brisant ainsi le blocus médiatique exercé par la France. Qu'ils soient animés de convictions politiques anticolonialistes ou des professionnels en la matière, l'Algérie devient, pour eux, un nouveau terrain de travail à conquérir, un sujet occulté et peu couvert. Ils contribueront à faire connaître ce combat, parfois même au détriment de leur vie. Abdelmadjid Merdaci écrira à leur sujet : «Correspondants de guerre ou envoyés spéciaux, journalistes ou reporters photographes ont ainsi vécu, restitué le conflit sur ses différents fronts, écrit ou photographié ; leurs textes ou leurs images, quels qu'en aient été les intentions et les objectifs, contribuaient aussi à rendre plus audibles, plus lisibles, plus visibles les attendus et la finalité de la révolte algérienne.» - Parmi les photographes algériens et étrangers que propose l'exposition, Robert Barrat qui réalise en septembre 1955, un reportage dans les maquis de Kabylie. Publié dans France Observateur, le journaliste sera condamné à une peine de prison et à une forte amende. Deux autres reporters américains free-lance Herb Greer et Peter Throckmorton vont côtoyer les maquisards pendant 5 mois de septembre 1956 à janvier 1957 dans la wilaya 5 et filmer les embuscades, la prise des prisonniers et la tournée d'une équipe médicale. Les deux reporters réussissent à faire passer le film d'une trentaine de minutes ‘La vie derrière les lignes rebelles' sur la chaîne américaine NBC et le coup est réussi, le FLN n'est plus un groupe de bandits, mais une armée militaire organisée et disciplinée. Pour faire un reportage sur les réfugiés algériens à la zone frontalière en Tunisie, Gerd Almgren est envoyé en Algérie en 1960, par la télévision suédoise. Le reportage marquera son engagement politique à la faveur de l'indépendance de l'Algérie, une démarche qui lui vaudra un licenciement. La Révolution algérienne est aussi racontée par des photographes algériens, à l'exemple de Mohammed Kouaci qui s'est consacré à la réhabilitation du service photographique et à ses archives, assurant en même temps la formation de jeunes photographes. Bensoula Mohand Lounes, dit Chrouqi de la Wilaya III, région 4 zone 2, était un simple soldat qui prenait des photos sans cesse. «Je le fais pour l'histoire et pour les générations futures», répondra-t-il au colonel Amirouche.