Un jour, un garçon d'une douzaine d'années avait mené le troupeau de moutons de son père sur les pentes du Petit-Freni, non loin du village de Crymych. Quand il fut arrivé à la pâture, il y avait encore un peu de brouillard autour du sommet de la montagne, et le garçon essayait de voir d'où était venu ce brouillard. Les gens du pays disaient en effet que, lorsque le brouillard venait du côté de Pembroke, il ferait beau, mais s'il venait de Cardigan, il ferait mauvais. Comme il regardait autour de lui ce paysage tranquille et silencieux, la surprise le fit tout à coup sursauter : il apercevait en effet, sur les pentes du Grand-Freni, un groupe de gens qu'il croyait bien être des soldats, en train de s'affairer en cercle, comme pour un exercice. Mais le garçon commençait à connaître les habitudes des soldats, et il se dit lui-même qu'il était trop tôt dans la journée pour que ceux-ci fussent déjà là. Laissant le troupeau pâturer tranquillement sous la garde des chiens, il marcha dans cette direction et, quand il fut plus près, il constata que ce n'étaient pas des soldats qu'il voyait ainsi, mais des gens appartenant au peuple féerique. Et ils étaient occupés à danser en rond, sans se soucier de ce qui se passait autour d'eux. Le garçon avait entendu bien des fois les vieux du village parler des fées et, lui-même, il avait vu souvent les cercles qu'avaient laissés les «petites gens» sur l'herbe, le matin, après avoir dansé toute la nuit. Mais il n'en avait jamais encore rencontré. Sa première idée fut de retourner en hâte à la maison pour raconter à ses parents ce qu'il avait vu, mais il renonça à ce projet, se disant que les fées risquaient de ne plus être là lorsqu'il reviendrait. Il se décida à approcher prudemment pour mieux les observer. De toute façon, il savait bien que les «petites gens» ne l'attaqueraient pas : tout ce qu'il craignait, c'est qu'elles disparaissent lorsqu'elles se seraient aperçues de la présence d'un être humain. Il s'avança donc le long des haies pour mieux se dissimuler et parvint ainsi sans encombre le plus près possible du cercle. Là, il se tint immobile et ouvrit les yeux tout grands pour ne rien perdre de la scène. Il put ainsi constater que, parmi les «petites gens», il y avait un nombre égal d'hommes et de femmes, mais tous étaient extrêmement élégants et enjoués. Tous n'étaient pas en train de danser et quelques-uns se tenaient tranquillement à proximité immédiate du cercle, attendant d'entrer dans la ronde. Certaines femmes montaient de petits chevaux blancs fringants. Mais ils portaient tous de beaux vêtements de différentes couleurs, et c'est parce que certains d'entre eux avaient des habits rouges que le garçon avait pensé à des soldats. (A suivre...)