Avis - La révision constitutionnelle doit s'insérer dans le cadre de la refonte de l'Etat. La nouvelle Constitution revêt un intérêt particulier en raison «de la crise de confiance entre l'Etat et le citoyen» qui secoue le pays depuis notamment les élections législatives du 10 mai dernier, selon le Dr Abderrahmane Mebtoul. Le verdit du Conseil constitutionnel concernant ces élections «ne change donc pas les équilibres du Parlement actuel largement non représentatif». C'est pourquoi, le Dr Mebtoul prône la révision urgente du «mode de scrutin qui, selon lui, déforme la réalité sociale». Car, explique-t-il, «environ 80 % de la population algérienne n'ont fait aucun choix, ce qui ne peut qu'avoir des incidences politiques. Aussi, le constat malgré des dépenses colossales et un effort jamais déployé au niveau des appareils de l'Etat algérien depuis l'indépendance politique, nous avons assisté à une très forte démobilisation populaire, notamment de la jeunesse majoritaire, désabusée par tant de promesses non tenues». Autre urgence à prendre en charge à la faveur de la révision constitutionnelle est de «revoir le fonctionnement du système partisan et de la société civile», recommande cet expert international. Et pour cause, la Constitution de 1989 «ayant consacré et codifié le droit des citoyens à créer des partis politiques, un nombre considérable de formations politiques ont vu le jour, souvent sans véritable programme, ni perspectives sérieuses, se manifestant ponctuellement principalement à l'occasion de rendez-vous électoraux du fait des subventions de l'Etat», déplore le Dr Mebtoul. Les formations politiques actuelles, «même celles siégeant dans la coalition gouvernementale, sont dans l'incapacité aujourd'hui de faire un travail de mobilisation et d'encadrement efficient, de contribuer significativement à la socialisation politique», selon notre expert. Autre fait qui pourrait porter un coup fatal à cette révision de la Constitution est la diversité de la société civile avec ses courants politico-idéologiques qui «est en grande partie liée au contexte politique actuel, et rendant impérative une réflexion qui dépasse le simple cadre de cette contribution», ajoute M. Mebtoul qui insiste sur le fait qu'«une restructuration efficace n'a de chance de réussir que si les associations ne sont pas au service d'ambitions personnelles parfois douteuses». Devant cette diversité peu constructive, la problématique de la révision constitutionnelle «doit s'attaquer à l'essentiel, à savoir la refonte de l'Etat, c'est-à-dire à d'autres aspects que le juridisme qui ne doit pas être une fin en soi», a-t-il indiqué précisant que la nouvelle Constitution doit prendre en charge les mutations internes de la société. Il s'agit notamment de «la moralisation des institutions à travers cette corruption étalée en plein jour qui menace la sécurité nationale, la lutte efficace contre la corruption par l'émergence d'une véritable opposition, des contre-pouvoirs de la véritable société civile et des organismes techniques de contrôle indépendants», insiste M. Mebtoul. - En somme, nous dit M. Mebtoul, la révision constitutionnelle devrait «renvoyer à une efficacité réelle de la refondation de l'Etat algérien pour plus de libertés au sens large du terme». Elle doit, également, impérativement s'attaquer «au fonctionnement réel de la société algérienne. Elle doit consacrer l'irréversibilité vers la transition vers l'économie de marché à vocation sociale».Enfin, la prochaine révision constitutionnelle «doit limiter le nombre de mandats présidentiels par l'alternance au pouvoir, garantir les équilibres du pouvoir et l'indépendance de la justice et de tous les médias, une participation citoyenne active et non formelle, pour éviter le divorce Etat/citoyens».