Colère - Des incidents ont éclaté dans la nuit à Ankara et à Istanbul, où des manifestants ont tenté de rejoindre les bureaux du Premier ministre, Recep Tayyip Erdogan, dans ces deux villes. Dans la capitale Ankara, la police a dispersé par des jets de grenades lacrymogènes et des canons à eau une foule de plusieurs milliers de personnes qui marchait en direction de la primature en chantant des slogans hostiles au chef du gouvernement, a annoncé l'agence de presse Anatolie. Les manifestants ont riposté en lançant des pavés, avant de détruire des panneaux d'affichage et des feux tricolores ou encore en brisant les vitres des commerces environnants. Deux véhicules ont également été incendiés, ainsi qu'un kiosque à journaux. Selon Anatolie, ces échauffourées ont fait 56 blessés parmi les forces de l'ordre. Plusieurs manifestants ont été interpellés. Pourtant Amnesty International a affirmé qu'il y avait eu deux morts et plus d'un millier de blessés, des chiffres qui n'ont pas été confirmés de source officielle et des organisations des droits de l'Homme ont dénoncé les violences de la police. Les pays alliés occidentaux, les Etats-Unis et le Royaume Uni ont appelé le gouvernement turc à la retenue, et des centaines de personnes ont manifesté, hier soir, à New York, pour exprimer leur soutien aux protestataires en Turquie. Des incidents similaires ont opposé dans la nuit forces de l'ordre et manifestants à Istanbul, autour des bureaux du Premier ministre dans le quartier de Besiktas. Des barricades ont été dressées dans les rues et la police a dispersé la foule à jets de grenades lacrymogènes. Le calme était revenu ce matin. La place Taksim et le petit parc Gezi, dont le projet de suppression a déclenché le mouvement de protestation antigouvernemental, vendredi, ont été occupés toute la nuit par des centaines de manifestants qui ont célébré le recul du Premier ministre. Confronté à l'un des plus importants mouvements de contestation populaire depuis l'arrivée de son parti islamo-conservateur au pouvoir en 2002, M. Erdogan a lâché du lest, hier, samedi, en ordonnant à la police de se retirer de la place Taksim. Immédiatement, des milliers de personnes ont envahi les lieux dans une immense clameur de victoire en défiant le chef du gouvernement aux cris de : «Nous sommes là, Tayyip. Où es-tu ?» A la nuit tombée, la place Taksim était toujours noire de milliers de personnes qui chantaient et dansaient avec l'intention d'y rester toute la nuit. Quelques heures avant ce repli, M. Erdogan avait pourtant fermement assuré que la police resterait sur la place Taksim «aujourd'hui» et «encore demain» car elle «ne peut pas être un endroit où les extrémistes font ce qu'ils veulent». Sur le même ton, il avait assuré que son gouvernement maintiendrait le projet d'aménagement urbain contesté de la place qui a mis le feu aux poudres. Saisi par ces opposants, un tribunal administratif d'Istanbul a suspendu, vendredi, la partie du projet qui prévoit la reconstruction d'une caserne de l'époque ottomane, qui a cristallisé la colère des manifestants.