C'était l'heure de la promenade. Un jour de mai, sur un chemin ensoleillé, des enfants suivaient joyeusement leur maîtresse. Ils chantaient et pépiaient comme des oiseaux ravis. Des papillons dansaient, aussi légers que des fleurs de pommier, tout autour de leurs têtes. A la sortie du village, le groupe passa sur un vieux pont de bois pour traverser la rivière. Une mère cygne, flanquée de ses petits, glissait sur l'eau, sereine et énigmatique. Le souffle du vent sentait bon le lilas et l'herbe humide. La journée semblait vouloir tenir ses promesses, annonciatrice des grandes vacances d'été ! Mais Lila était la seule à ne pas être charmée par ces merveilles. Silencieuse, elle traînait à la queue du cortège bruissant. Le c?ur lourd, la fillette se désintéressait du paysage, comme de la présence de ses amis, les yeux fixés sur ses baskets poussiéreuses. L'institutrice, intriguée, posait de temps à autre son regard sur elle : «A quoi pense ma petite Lila ? C'est une enfant rieuse et taquine, d'habitude !» Elle ignorait que sa maman était malade? Suffisamment malade pour inquiéter l'enfant. Et personne dans son entourage n'avait pensé à la rassurer, ni le papa ni le grand frère. Ils n'avaient pas su déceler les sombres pensées de cette petite fille de cinq ans et demi et lui faire comprendre que la joie ne s'était pas envolée à tout jamais ! Alors, Lila avait enfoui son secret tout au fond de son c?ur et se traînait sur ce mauvais chemin qui n'en finissait plus ! Mais à l'instant où elle posa le pied dans une flaque d'eau (il avait plu la nuit précédente), elle entendit un léger rire, aussi doux que le murmure de la rivière. Et le temps de battre des paupières et d'ouvrir grand les yeux, de nouveau... Tout avait disparu autour d'elle : plus d'enfants, plus de maîtresse ! Elle était seule, à présent, au milieu des bois lumineux, avec le chant des oiseaux pour la bercer. Puis de nouveau, elle entendit le rire : un géant immobile se tenait à côté d'elle, les cheveux roux en broussaille, l'?il amical et enfantin. «Veux-tu venir voir mon jardin ? C'est le plus beau des jardins. Il est? ma-gni-fi-que !» (à suivre...)