Résumé de la 5e partie Hifukusho était transformé en une couche de cendres brûlantes. De retour, Tanaka ne retrouva que de la cendre là où il avait laissé sa famille. «Depuis, monsieur, je ne peux m?en aller de là. Je me dis que si mon père m?avait écouté, nous aurions fui plus loin, nous ne serions pas entrés dans ce piège. Je ne voulais pas y aller. J?avais peur de la foule qui s?y pressait? Je me dis aussi que j?ai été lâche, monsieur? Mais qu?aurais pu faire, de toute façon ? Le policier, qui a laissé entrer toute cette foule, n?est pas entré avec elle, lui. Quand il a vu arriver les fleurs de Heno, les tornades de feu, il a eu le temps de courir jusqu?au fleuve et il a été sauvé. Mais le lendemain, il s?est ouvert le ventre, se reprochant d?avoir laissé entrer les gens ! Moi, monsieur, je reste là. Les soldats qui déblaient m?ont dit : ? Tu n?as qu?à garder le tas de cendres.? Vous voyez, depuis huit jours qu?ils y entassent des brouettes, c?est devenu une colline, monsieur, une vraie montagne. Mes parents et mes quatre frères sont là-dedans. Tout le monde est mêlé. Les cadavres, qui n?avaient pas complètement brûlé, les soldats ont achevé de les calciner avec du pétrole. Vous ne pouvez pas trouver, dans cette montagne, un morceau d?os calciné plus grand qu?un yen, monsieur.» Une fois entendu cet épouvantable récit, le journaliste français demande au jeune Japonais : «Mais qu?espères-tu à rester là, Tanaka ? Pourquoi ne vas-tu pas dans un hôpital faire soigner tes brûlures et manger ? Les Français et les Américains en ont installé, il y a partout des centres de secours envoyés par tous les pays du monde. Pourquoi restes-tu dans le Hifukusho, devant cette montagne de cendres ? Cela ne pourra pas faire revenir ta famille ! ? Vous comprenez, monsieur, comme je voulais rester là, devant le tas de cendres qui grossissait, les soldats m?ont dit : ?Au moins, rends-toi utile ! Quand les gens viennent pour réclamer le corps d?un parent, donne-leur une pincée de cendres ! Une pincée, pas plus ! L?empereur a autorisé une pincée par personne disparue.? Alors, je distribue les pincées de cendre. C?est de la cendre mélangée, bien sûr, mais les gens s?en contentent. Et quand ils veulent en emporter plus, parce qu?ils ont perdu toute une famille, ils me donnent un yen, et je leur en donne une poignée. Les soldats me laissent faire, parce qu?ils savent que cela me permet de manger. Le soir, je vais acheter un fruit au marché improvisé qui s?est installé près du pont. Voilà, monsieur, mon histoire. C?est le Hedo no Hana, la fleur de feu qui a brûlé ma famille et tout le monde, sauf moi. ? Tanaka, combien crois-tu qu?il y avait de gens dans le Hifukusho ? Combien crois-tu que cette montagne représente de gens ? ? Je ne sais pas, monsieur, les soldats disent dans les trente ou quarante mille ! Vous m?avez donné dix yens, monsieur, c?est trop ! Vous voulez une poignée de cendre ?»