Alger Le jeune homme y pense, certes, mais il n?a pas encore déniché la perle rare malgré toute sa bonne volonté. Il est commerçant en produits cosmétiques mais comme il est un peu timide il n?établit pas facilement le contact avec ses nombreuses clientes. Pourtant un jour, il trouve la bonne occasion et ose aller de l?avant. «Oui, hadja», dit-il à la dame d?un certain âge accompagnée d?une jolie brune élancée avec de longs cheveux châtains. «Je suis à votre service. ? Montrez-moi le flacon de parfum que voilà !» Karim s?empresse d?aller le chercher et le dépose devant les deux femmes. Elles l?ouvrent, se vaporisent et se concertent. Le jeune marchand n?a d?yeux que pour la demoiselle, devant laquelle il est en extase car c?est tout à fait son genre de femme. Il fait tout pour attirer son attention et cinq minutes plus tard les voilà en train de discuter comme les plus vieux amis du monde. Il faut reconnaître que la mère et la fille sont d?un abord facile, ce qui arrange beaucoup Karim. Elles lui laissent leur numéro de téléphone et repartent avec un joli flacon de parfum offert gracieusement par le jeune commerçant qui refusera d?encaisser. Deux jours plus tard, impatient et le c?ur battant la chamade, Karim compose le numéro de Sabrina. C?est ainsi qu?ils prennent l?habitude de se téléphoner. Ils se découvrent beaucoup d?affinités qui, imperceptiblement, les amènent, quelques mois plus tard, à parler d?union. La jeune fille a terminé ses études de droit voilà presque cinq ans et parle à son ami de son quotidien, de ses projets, lui cachant toutefois certaines réalités qui meublent l?autre versant de sa vie car, de condition modeste, elle multiplie les relations avec des hommes nantis, et ce, dans la plus grande discrétion. Ces derniers lui assurent un train de vie assez agréable et elle peut s?offrir de belles toilettes, des produits de beauté? Elle mène cette vie si discrètement que tout son entourage est prêt à témoigner de son honorabilité. Karim, qui a mené sa petite enquête dans le quartier où elle réside, est très satisfait et décide d?en parler à sa mère et à ses s?urs, qui sont ravies. Sa joie est de courte durée puisque le père s?y oppose farouchement lorsqu?il apprend de qui il s?agit. Et pour cause, elle a été sa maîtresse pendant longtemps ! Il oppose un refus catégorique sans pouvoir donner de raisons. Il invoque certains prétextes qui ne convainquent nullement son fils, qui s?entête dans son choix. Et à chaque fois qu?il essaient d?en discuter les deux hommes s?affrontent. Très épris de Sabrina, Karim tient bon et finit, au grand dam de son père, par épouser sa dulcinée, qui ne souffla mot de cette aventure. Le père, blessé, se tut et enfouit son secret au plus profond de son c?ur. Voilà la jeune mariée sous le même toit que son mari et son amant. Comment a-t-elle pu accepter ce mariage qui la mettait dans une situation aussi délicate ? Avant de se marier avec Karim, elle a longtemps retourné la question dans sa tête. Mais hélas ! elle s?est retrouvée devant un grave dilemme : ou épouser Karim, ce bon parti, très épris de surcroît, ou se rétracter et courir le risque de finir sa vie vieille fille. Mais constatant que le père n?avait pas divulgué le secret, elle se trouva en bonne position et se maria. Le père fait tout pour éviter la jeune femme, et Karim prend cela pour de la jalousie. Il se met à détester son père. Ce dernier, souffrant que son fils n?ait pas respecté son v?u, lui en veut énormément. Une lourde atmosphère règne à la maison jadis si gaie et si accueillante? Rabah se rappelle encore sa relation avec Sabrina dans tous ses détails. Ne pouvant supporter pareille situation, il pria son fils de déménager. Celui-ci refusa et dénigra son père qui, d?après lui, se faisait vieux et le jalousait dans son bonheur. Cette atmosphère électrique dura deux longues années. La belle-mère, jadis très robuste, tombe brusquement malade et meurt deux mois plus tard. Sabrina n?a pas encore d?enfant et le père n?a plus de raison de se taire. Alors, un matin, il balance la vérité à son fils ! Karim entre dans une colère indescriptible ; il roue son père de coups, lui occasionnant de graves blessures. Karim est comme fou, il crie à qui veut l?entendre que son père et sa femme l?ont trahi. Fou de rage, il s?empare d?un couteau et assène à sa femme plusieurs coups au ventre. Eventrée, elle gît dans une mare de sang. Karim sera arrêté et traduit devant la justice. Son procès s?est déroulé le 24 mai 2004 au tribunal d?Alger. Il a été condamné à 16 ans de réclusion criminelle. Karim continue à détester les femmes qui, comme dit le vieil adage, sont «capables de se ceindre la taille avec des serpents et de porter aux chevilles des scorpions».