Résumé de la 26e partie - Après bien des réticences, le père Heurteloup finit par céder au calme froid de l'infirmière... Puis il recommença à geindre : - «En voilà une poule mouillée ! avait dit sèchement Marcelle. Et vous vous croyez un homme ? Je suis sûre que votre femme a fait moins de bruit quand elle a accouché de vos onze enfants !» Grâce au ballonnet, le Tenebryl s'était accumulé dans les reins. Ce fut le moment précis, à peu près un quart d'heure après le premier cliché, que mon assistante choisit pour en faire un second : celui où elle venait de me montrer la tumeur. «Une bien jolie image», selon sa propre expression. Quand le père Heurteloup, libéré du ballonnet, ressortit de la chambre radio, il était congestionné et criait en se rhabillant : - «Jamais, vous entendez ? Jamais je ne remettrai les pieds chez vous, docteur ! Je n'aime déjà pas les médecins, mais avec votre père ça ne se passait pas comme ça ! Il n'avait pas toutes ces mécaniques et ce "cinéma" dans le noir... Tout ça, ce sont des trucs inventés par les jeunes toubibs pour faire croire qu'ils sont plus savants que les vieux et doubler le prix de la consultation ! C'est une honte !Ça devrait être interdit par la gendarmerie ! C'est plus de la médecine, c'est de l'usine !» — «Ne dites donc pas de bêtises, père Heurteloup... Que vous ne reveniez plus me voir, cela vous regarde, mais que vous m'accusiez de charlatanisme, ça, vous n'en avez pas le droit... La meilleure preuve est que vous ne me payerez pas la consultation et que je vous ferai cadeau de votre radio. » Le bonhomme fut décontenancé : — «Si c'est comme ça, je veux bien... mais vous pourrez la garder, votre photo ! Je n'en veux point ! » Il partit sans même me dire au revoir j'en eus de la peine. Tous mes malades ne se comportèrent heureusement pas comme ce vieux paysan devant l'installation radio. Très vite, l'appréhension et la méfiance instinctives que chacun porte en soi lorsqu'il va être radiographié pour la première fois se transformèrent en curiosité et en confiance. C'était à qui de mes clients voulait avoir sa petite radio, même pour les motifs les plus futiles. Cela devint une vogue dans la ville ; les malades ne ressortaient satisfaits que lorsque je les avais examinés devant la glace-écran et qu'ils m'avaient entendu dire : «- Tout va bien ! Vous avez un cœur de coureur à pied et des poumons de champion olympique.» La véritable triomphatrice de cette psychose ancrée dans l'esprit du moindre malade fut Marcelle. Quelques jours après que l'installation eut commencé à fonctionner chez moi, j'appris que les gens s'abordaient en ville en disant - «Vous ne savez pas ? Notre jeune docteur fait des radios chez lui ! Si vous voyiez ces appareils ! Ce que c'est compliqué ! Ça a dû lui coûter cher ! C'est exactement comme au Mans... Et on ne sent rien !» Marcelle Davois avait gagné sa première manche et, comme le dernier des innocents, je ne prévoyais même pas où cela me mènerait... (A suivre...)