Paroles - L'accès gratuit aux plages pour l'ensemble des citoyens a toujours constitué l'«essence» du discours officiel à l'approche de chaque saison estivale. Des ministres et des élus locaux se lancent chaque année dans une offensive médiatique pour mettre l'accent sur cette notion de gratuité. Toutefois, la réalité est tout autre, puisque des jeunes, appelés communément «plagistes», imposent leur loi sur ces espaces de détente et de loisirs. Ces gérants, agréés par les autorités locales ou exerçant dans un cadre informel, se sont totalement approprié les plages, au point que les estivants sont devenus de simples clients qui doivent s'acquitter de «lourdes» factures juste pour accéder à la Grande Bleue ! L'absence de contrôle et surtout de mesures délimitant clairement le champ d'action des plagistes est à l'origine de ces graves dépassements qui portent un lourd préjudice au citoyen lambda. Une tournée des quelques plages d'Alger et de Boumerdès permet de constater que le principe de la gratuité de ces espaces de détente n'a pas encore dépassé le stade du discours. «Il y a trop de dépassements et même les autorités sont, jusque-là, incapables de juguler les agissements préjudiciables de ces gens qui se prennent pour les maîtres des lieux. Sinon, comment expliquer que des parasols et des tables soient souvent installés tout au long de la côte que les estivants sont contraints de louer ? Même si on dispose du nécessaire, on ne trouve pas d'endroits libres où les placer. Il faut que l'Etat intervienne, car cette situation est devenue insoutenable», déplorent des citoyens rencontrés sur les lieux. «Si ces gens ont le droit de proposer leurs services aux estivants, ils n'ont tout de même pas le droit de s'approprier tout l'espace !», se révoltent quelques estivants à la plage de Palm Beach, à l'ouest d'Alger. La querelle verbale entre ces derniers et les «gérants» de cette plage a failli tourner à la bagarre. «Nous voulons planter nos parasols et installer nos tables ici et c'est à vous d'enlever les vôtres. Nous ne sommes pas obligés de solliciter vos services et nous ne vous donnerons aucun centime en contrepartie», lancent les estivants en direction des plagistes. Ces derniers refusent catégoriquement d'enlever leur matériel, sous prétexte qu'ils étaient les premiers sur les lieux. L'intervention d'autres estivants a calmé les esprits. Les estivants, venus en famille, ont pu, enfin, trouver des espaces étroits pour placer leur parasol. «C'est trop ! Si à chaque fois nous payons près de 1 500 dinars pour louer des tables et des parasols, nous n'arriverons jamais à nous en sortir», rouspètent encore nos interlocuteurs. Cette scène est très courante au niveau des autres plages, bien qu'une bonne partie d'estivants préfèrent s'acquitter des frais de location plutôt que d'affronter les jeunes plagistes prêts à user de tous les moyens pour imposer leur loi. «De la gratuité des plages, il ne reste que l'eau de mer, sinon la côte est malheureusement devenue une propriété privée», concluent certains estivants.