Résumé de la 2e partie - Ce soir de février 56, Clara Polstorff dit à son mari : «Borwin, le moment est arrivé.» Ils font partie, Borwin et elle, d'un temps révolu. Leur vie antérieure était la vraie vie. Ce qu'ils vivent depuis la guerre n'est qu'une mort lente. Et Clara répète : «Le moment est arrivé, Borwin. Tu l'as promis. Quatre jours plus tard, Borwin Polstorff sort de chez lui et ferme soigneusement les volets de bois et la porte. Il ferme aussi la barrière qui clôt le champ boueux dont il rêvait de faire un haras. Il est en imperméable. Il porte une petite valise, des gants de laine aux mains et se dirige vers l'arrêt d'autocar. Au passage, il s'arrête au bureau de tabac et achète trois cigarettes à la pièce. Le buraliste prend sa monnaie et s'étonne : «Vous partez en voyage, monsieur Polstorff ? Vous avez l'air fatigué... — Oui. Je pars en voyage. Il faut bien.» Sur cette réponse énigmatique, Borwin Polstorff s'en va prendre le car pour Bayreuth. Un quart d'heure plus tard, le buraliste dit à M. Bader en lui vendant son cigare : «Tiens, votre locataire est parti en voyage, et j'ai comme l'impression qu'il n'est pas près de revenir ! » M. Bader, inquiet sur le reste du loyer impayé pour le mois de février, se rend donc à la petite maison. Il arrête sa voiture à l'entrée du champ boueux et, étonné de ne pas obtenir de réponse à ses coups répétés, il ouvre lui-même la porte avec un double de la clé. C'est ainsi que, le soir même, à la gare de Bayreuth, on arrête Borwin Polstorff, accusé d'avoir assassiné sa femme. Personne ne comprend : ni la police, ni les témoins, ni l'avocat, ni le juge qui interroge Borwin Polstorff. Personne ne comprend. Il a tué sa femme, il ne le nie pas. Il s'est laissé arrêter sans protester, il a avoué dès la première question, mais personne ne comprend pourquoi il a tué sa femme car il en était terriblement amoureux. Borwin Polstorff a été transféré à Oldenburg et sa première rencontre avec son avocat est bien dans la logique du personnage. Il a gardé sa morgue mais le ton est devenu fataliste. « Je n'ai pas besoin d'avocat. Il n'y a rien à défendre. J'ai fait mourir ma femme, elle me l'avait demandé, c'était une promesse. J'ai tenu ma promesse. Allez-vous-en, vous ne saurez pas expliquer les choses. — Mais vous ne pouvez pas vous défendre seul. — Je n'ai rien à défendre, les choses sont ainsi.» Que s'est-il passé en ce soir de février, après que le propriétaire de la petite maison délabrée eut quitté Borwin ? Clara a dit : «Le moment est arrivé.» Et elle a ajouté : «J'ai tout écrit dans une lettre, tu la liras et ensuite tu feras ce que tu as promis.» Ce soir-là, ils dînent en silence, face à face, mais ne mangent pas. Borwin prend la lettre que lui tend sa femme et lit : «Cette fois c'est terminé, Borwin, il faut jouer cartes sur table. Nous sommes comme le gibier acculé. C'est l'hallali. Entends-tu les cornes des chasseurs ? Elles disent qu'ils vont nous achever. J'entends les chiens ! Rappelle-toi le cerf que nous avons levé un après-midi d'automne. Il faisait beau quand nous l'avons cerné. La mare était verte et le soleil brillait par éclats entre les branches. La bête nous regardait. Elle savait que tu allais la faire mourir, et elle le désirait, comme moi, parce qu'elle était épuisée. Je t'aime, Borwin, mais il faut me tuer, m'achever. Lorsque tu reviens du bureau de chômage, je te guette par la fenêtre. Je sais que tu as quelques billets dans ta poche et que, pour cette mendicité, tu souffres comme un damné. Le moment est venu, Borwin. Tu le feras quand je dormirai, n'importe quand, je ne veux pas le savoir. Tu vois, je n'ai même pas le courage du cerf. Toi, tu as encore la force du chasseur. Promets-moi de ne pas te tuer avant que je sois morte. Adieu, Borwin.» (A suivre...)