Résumé de la 81e partie - Mme Boitard demande à Marcelle de lui conseiller un établissement où l'ablation se ferait dans la plus grande discrétion. II vaudrait mieux choisir une clinique très éloignée, dans un autre département. Nous avons heureusement en France de remarquables chirurgiens ! Laissez-moi faire : nous reparlerons de ce projet dans quelques jours... Surtout ne dites rien à personne d'ici là ! pas même à maître Boitard ! Il sera toujours temps de le faire, le moment venu. Et méfiez-vous des médecins ! Si vous voulez en consulter, je vous en indiquerai d'excellents et même j'irai avec vous... Oui, le véritable drame de cas comme le vôtre vient de ce que la plupart des médecins courants, tels que mon jeune patron, ne sont absolument pas compétents sur la question !... Je ne voudrais pas donner de conseils à une aussi jolie femme que vous, madame, mais, avant de sortir d'ici, vous devriez refaire un peu votre maquillage. Tenez, voici une glace... Prenez tout votre temps... Voulez-vous que j'allume l'électricité ?» — Je savais cependant que le goût de se pavaner — je dirais presque : le besoin de parade extérieure — était tellement fort chez cette créature frivole qu'elle conserverait jalousement ce qu'elle considérait «notre secret» de femmes... Non seulement elle n'en parlerait pas, mais elle n'accepterait jamais de révéler qu'elle avait subi une ablation anéantissant la beauté sculpturale de ce dont elle pouvait être la plus fière : sa poitrine ! Une poitrine que son amant, sensiblement plus jeune qu'elle, devait adorer avec l'aveuglement que porte un garçon de cet âge aux appas de la femme de trente-cinq ans... Si elle ne m'avait pas dit un mot de cet amant, quand je lui en avais donné l'occasion, c'était uniquement parce que lui seul comptait pour elle. Peu lui importait, après tout, que son mari — ce notaire né pour incarner les maris trompés — la vît avec un sein en moins ! Mais jamais elle ne pourrait se montrer nue, ainsi mutilée, devant son amant ! Ce serait trop dangereux pour elle ! Quand j'étais à Villejuif dans le service de Berthet, principalement spécialisé dans ces tumeurs mammaires, j'avais remarqué la crainte panique des femmes, de toutes sans exception, devant l'idée que leurs maris ou amants les retrouveraient amoindries, la poitrine marquée par une hideuse cicatrice. Combien de fois avais-je entendu prononcer devant moi ces mots : — C'est affreux, docteur ! Il se détache de moi depuis qu'il m'a vue ainsi...» Je tiens à l'écrire de nouveau l'homme ne peut aimer la femme dont il a pitié. Tôt ou tard, il finit par la prendre en horreur. Mme Boitard préférerait tout plutôt que de subir cette épreuve. — ... Elle s'enfuirait pour toujours avant de risquer l'opération, abandonnant son jeune amant qui, dans son esprit, ne devait conserver d'elle qu'une vision idéale. L'opération ? Un chirurgien sérieux ne la ferait jamais avant d'être certain que sa cliente avait réellement un cancer. Il demanderait à voir les radios et exigerait certainement plusieurs consultations et rapports de médecins compétents. II fallait donc que je trouve un «charlatan» attiré par l'appât du gain. Mme Boitard était riche et offrait l'immense avantage de ne pas vouloir ébruiter l'affaire. Les risques pour cet aventurier seraient donc à peu près nuls. (A suivre...)