Influence Au lieu de puiser dans ses racines, l?Algérien va chercher loin le contenu de sa garde-robe. Haïk, burnous, djellaba et kechabia ont tous été quasiment des attributs de la personnalité des Algériennes et des Algériens. Mais la disparition progressive de ces habits du paysage quotidien ne laisse plus beaucoup de place à des repères d?identification. Et pour cause. Les tenues occidentales ont envahi la mode vestimentaire locale et ce, avant l?indépendance. Ce fut d?abord le costume-cravate qui s?est substitué à la djellaba et au large seroual chez les hommes. La jupe a, elle aussi, fait son apparition très tôt et son port a été démocratisé à cause de la proximité avec le colonisateur ou par simple émulation. La présence d?une communauté algérienne dans les pays étrangers a fini par compléter ce processus d?importation des modes vestimentaires. Les portraits des citoyens, notamment les citadins de l?époque post-indépendance, témoignent de la continuité de ce processus et ce, jusqu?au début des années 1980. Les deux premières décennies, qui ont suivi l?indépendance, ont été le théâtre d?un vrai «défilé de mode». Les pattes d?éléphant et les chemises à large col étaient portées par toute la gent masculine alors que les Algériennes rivalisaient avec leurs cons?urs d?outre-mer dans le port des robes et autres vêtements vantés par la publicité. Ces habitudes ont presque toutes été balayées par la montée de l?islamisme en Algérie. Pour les femmes, la règle est d?ailleurs simple, car rien ne doit paraître de leur corps. Les hommes sont, eux aussi, astreints aux kamis taillés sur le modèle afghan : la politique fit désormais son entrée dans la mode. Cette intrusion a atteint son summum d?instrumentalisation lorsque l?un des dirigeants du parti dissous proclamait ouvertement que «les habitudes vestimentaires doivent changer» pour s?adapter aux nouveaux canons de «l?Ordre nouveau». Des «bataillons» entiers défilent en tenue afghane sur les grandes avenues d?Alger lors de la grève de juin 1991 alors que les moutahadjibate forment de longues processions pour écouter l?imam El-Ghazali à la salle Ibn Khaldoun. Aujourd?hui, les m?urs semblent plus souples et il n?est pas rare de voir les femmes raccourcir leur hidjab. Les hommes aussi, du moins pour certains, ne consentent plus facilement à troquer leurs trois-pièces contre le kamis, mais on est encore loin du retour à la tradition. En quarante et un ans d?indépendance, beaucoup de signes de l?identité algérienne se sont effectivement effacés.