Résumé de la 99e partie - Après le départ de Me Boitard, je compris qu'une folie collective s'était emparée de la ville sur laquelle le cancer invisible étendait ses tentacules. La porte s'est ouverte : elle est entrée comme si elle attendait cet appel et je lui ai dit : - «Marcelle ! J'ai besoin de vous !» Au moment où j'ai prononcé ces paroles désespérées, j'ai vu son regard - ce regard que j'avais toujours trouvé jusqu'à ce jour dur et inexpressif - qui brillait, qui devenait si humain que l'on pouvait croire que des larmes l'embuaient pendant que sa voix répondait avec une douceur inconnue - «Je suis là, tout près de vous, docteur... Je vais vous aider...Vous devriez fumer une cigarette pour vous calmer... Et maintenant, écoutez-moi...» Je l'ai écoutée ! - Ils vous harcèlent tous avec ce cancer, docteur ? - Oui... - Vous n'en pouvez plus ? Je vous comprends : j'ai connu ça, moi aussi, à Villejuif... C'est pour cela que je me suis enfuie et que j'ai préféré venir travailler auprès de vous : je voulais réagir. Il faut toujours réagir, docteur ! Voilà la réaction immédiate que je vous propose : créez en ville un Comité de recherche du cancer sur le modèle de ceux qui commencent à naître un peu partout en Europe et aux Etats-Unis. Ça tranquillisera les esprits inquiets qui auront l'impression que l'on fait enfin quelque chose pour lutter contre le fléau plus imaginaire ici que réel. - Votre idée est ingénieuse, mais qui mettre à la tête de ce comité ? - Toutes les notabilités de la ville : l'archiprêtre, le notaire, le lieutenant des Eaux et Forêts et vous-même, bien entendu. - Rien que des hommes ? - Il y faudra aussi la présence de quelques femmes telles que cette Mme Fayet qui ne pense qu'aux maladies éventuelles de ses enfants : elle sera enchantée de siéger au comité. Si Mme Triel voulait en faire partie, je pense que son avis sur certaines questions pourrait être intéressant... - Je ne trouve pas que ce soit la place de Christiane... C'est vous, Marcelle, qui devez en être! - Vous y tenez absolument, docteur ? Enfin... Peut-être pourrais-je remplir les fonctions de secrétaire générale chargée de rédiger les rapports et comptes rendus de séances ? Vous vous en acquitterez à merveille... Il n'y a qu'une chose qui m'ennuie si l'on se décide à constituer ce comité : le fait même de sa création prouve que nous admettons maintenant que le père Heurteloup et Mme Boitard avaient réellement le mal ! - Les gens n'iront pas chercher si loin, docteur ! Ils seront tellement contents de pouvoir parler des travaux de recherche de «leur» comité ! Ils auront l'impression de lutter contre le mal et ça les occupera... Resté seul, je ne savais plus que penser : la création de ce comité anticancéreux était-elle réellement le meilleur remède pour lutter contre la psychose insensée ? Je savais aussi que des comités de ce genre naissaient et se développaient dans tous les pays. C'était presque devenu une mode. Cela faisait même bien pour une ville d'avoir «son comité de recherche du cancer». Cela valorisait la ville dans l'esprit de ses habitants... Mais la nôtre avait-elle l'envergure suffisante ? Enfin l'organisation d'un pareil comité demandait une sérieuse mise au point, toute une documentation que je n'avais pas, des séries régulières de conférences faites par des spécialistes... (a suivre...)