Dans une société patriarcale comme la nôtre, l'homme, le mâle, est, comme il faut s'y attendre, très valorisé. Le mot arabe al-radjel comme le mot berbère argaz connotent les valeurs viriles ? puissance, force, courage ? mais aussi les valeurs tout court : générosité, dignité, honneur, bonté... Les expressions radjel et d?argaz signifient non seulement «c'est un homme», mais aussi «c'est quelqu'un !». Et «quelqu'un» veut dire aussi bien un homme de parole qu'un brave, un homme honnête qu'un homme qui connaît la valeur des êtres et des choses. Le culte du mâle a produit un concept tiré du nom même de l'homme : rradjla en arabe et tirugza en berbère ; en fait, plus qu'un concept, il s'agit d'une véritable institution. Par rradjla et tirugza, on entend, en effet, non seulement un comportement viril, mais aussi un comportement sociaI : c'est le courage exprimé dans l'adversité ? «Les hommes souffrent mais ne pleurent pas», dit-on. C'est aussi le sens de l'honneur, le refus de l'injustice et de la tyrannie, la solidarité avec ceux qui souffrent... Bref, des comportements d'homme, mais aussi de femme. En effet, ni la force physique ni les moustaches, comme le dit si bien un proverbe kabyle, ne font l'homme, mais les vertus énoncées plus haut. Et les femmes peuvent, elles aussi, avoir ces vertus. ll n'est pas rare que l?on dise d'une femme courageuse qu?elle est? un homme ! D'ailleurs, le kabyle a forgé, à partir du mot argaz, un concept particulier, destiné à la femme : tabargazt, c'est-à-dire la femme courageuse et fière comme un homme ! Si on cuItive la rredjla, on se méfie de ses excès : il faut se montrer digne, fier, généreux, mais sans pousser le bouchon trop loin, puisqu?on risque de mourir? de ridicule. Qetlatu erradjla, dit-on alors (la rredjla le tue) !