Mémoire Hayat Kichou Dehmas se distingue par une expression picturale à la fois chaleureuse et enthousiaste, douce et tempérée, des peintures expressives qui disent et racontent. Les peintures de Hayat Kichou Dehmas, technique mixte sur toile, sont chargées, épaisses, composites et colorées, entraînant le regard, de part et d?autre du tableau, dans d?agréables promenades tantôt tumultueuses, tantôt tranquilles, à la rencontre de l?artiste, donc à la découverte de ce monde, un lieu aux teintes fines, puisées dans le terroir, gorgées de soleil, qu?elle crée et construit à l?aide d?un imaginaire généreux, fécond. En fait, l?artiste, telle une ouvrière, tisse, file d?un geste fin et adroit son monde et elle le dote d?un langage afin qu?il puisse parler, s'entretenir avec le regard ? le nôtre ? d?où le titre de son exposition «Tissage bavard». Ses peintures, dont chacune est constituée d?une trame narrative, parlent, racontent en effet des histoires à la manière d?une conteuse des temps anciens, ancestraux ; elles racontent l?esprit qui l?habite, le geste, le murmure féminin. Car dans chacune, la femme est omniprésente, d?une manière comme d?une autre, concrètement ou abstraitement, et ce, à travers son métier à tisser. Dans «Sagesse de femmes», l?artiste présente, d?abord, en arrière-plan, trois personnages, trois femmes en habit traditionnel, toutes couvertes d?une coiffe, comme celle portée par les femmes des Aurès, les oreilles chargées d?anneaux d'argent. Trois visages de femmes, qui regardent dans une direction opposée. Ces visages semblent heureux, car chacun affiche un sourire, une gaieté tendre et amène. Vient ensuite, en second plan, un autre personnage, un nourrisson, le visage tourné vers le nôtre : les yeux fermés, le visage quiet, attendrissant, il semble plongé dans un profond sommeil. Il dort et les trois femmes le regardent, l?examinent, le contemplent ; elles veillent sur lui, sur son sommeil ; des femmes comme s?il s?agissait d?anges gardiens, des fées, ces bonnes fées qui s?apprêtaient à prononcer quelques formules magiques dans l?intention de lui attribuer des dons. «La Cité nocturne» est une belle et magnifique peinture, une peinture noble et plaisante, douce et élégante, une peinture où vient se mettre en place dans un élan plein de lyrisme, de beauté et d?intelligence, un remarquable décor mauresque, joliment imaginé, agréablement et soigneusement disposé, çà et là, dans l?espace pictural. Ce décor d?une puissance esthétique particulière et d?une charge émotionnelle unique est rehaussé par la clarté du croissant lunaire ; une lumière argentée, cosmique, venant le revêtir d?une sensualité fascinante. «La Tisseuse» est un tableau caractéristique, évocateur, car il est porteur de mémoire, la mémoire collective. Y figure une femme, une jeune femme, kabyle, à en juger par sa tenue et le foulard dont sa tête est couverte ; une jeune femme placée derrière son métier à tisser. Cela ne nous rappelle-t-il pas un roman de Mohamed Dib ? Les peintures de Hayat Kichou Dehmas, exposées à l?hôtel El-Aurassi, qui s?inscrivent dans ce discours de l?authenticité et de la mémoire, portent des symboles berbères et sont marquées par des empreintes de femmes. Elles sont un hommage à la femme.