Gâchis n Le Moulin Ferrero, l'ancien marché de l'artisanat, les dunes, la place des Chameaux... De tous ces sites qui donnaient à Boussaâda son propre cachet, ne restent que des vestiges. «Du Moulin Ferrero, il ne reste que la cascade. Il faut des spécialistes pour le restaurer. Mais certainement pas avec du parpaing. Ce site a été construit, il y a plus de cent ans...». Ce cri de détresse a été lancé par Boualem, un artisan rencontré au nouveau marché de l'artisanat de Boussaâda. Avant lui, c'est Rekia, une animatrice au musée public Nasr-Eddine-Dinet, qui tonne : «Au lieu de restaurer le Moulin, la municipalité en a construit un autre ! ». A quelques mètres de la maison d'Etienne Dinet, nos regards sont tombés sur une roue géante. Une pure contrefaçon entourée d'un Zimmerman ! Une horreur ! Un coup de laideur porté à la ville du bonheur... Les dunes de jadis, qui émerveillaient les visiteurs venus du Nord, se sont malheureusement enlisées sous le béton. Sur un ton de nostalgie et de regret, Rekia ajoute : «Boussaâda est devenue un marché pour les habitants des alentours. Pas de Maison de la culture.» Et de se rappeler un passé où sa ville drainait des touristes des quatre coins du monde et était la destination de différentes cultures. «Les deux salles de cinéma qu'on fréquentait autrefois n'existent plus. Quand j'étais jeune j'allais au cinéma. Je me souviens que même les femmes voilées allaient au cinéma.» Et de déplorer la fermeture de l'Onat. «Avant, c'était l'Onat qui ramenait les touristes et qui organisait des voyages au profit des citoyens de la région.» Maintenant, hélas ! La ville de Boussaâda est dépourvue d'un Office du tourisme. Même l'artisanat, un vecteur du tourisme, n'a pas échappé au bradage, à la bêtise humaine. La majorité des objets exposés à la vente ici et là sont fabriqués ailleurs... L'ancien marché de l'artisanat qui grouillait autrefois de touristes européens a fini par prendre une autre appellation digne de sa nouvelle activité : «le trabendo.» En effet, situé en plein centre-ville, l'ancien marché de l'artisanat est occupé par étals de vêtements made in China. Parmi les quarante-quatre locaux du nouveau marché de l'artisanat réalisé récemment, une dizaine de boutiques seulement est en activité. Un abandon. «Ils auraient dû remettre les clefs», nous dira un artisan. Selon lui, «la plupart des personnes ayant bénéficié de ces locaux n'ont d'artisan que le nom», alors qu'à Boussaâda, «beaucoup d'artistes ne trouvent pas où se caser». Le projet de restauration de la vieille ville El-Ksar, décidé il y a de cela plus de deux ans lors d'un colloque international qu'a abrité la ville, n'a pas encore vu le jour. Cet abandon a poussé les habitants des quartiers de l'ancienne ville à recourir au béton pour préserver leurs toits, nous fera remarquer un jeune homme rencontré sur les lieux. D'après les informations que nous avons recueillies sur place, l'ancien ministre de l'Agriculture Rachid Benaïssa avait, de son côté, promis de renouveler la palmeraie afin de permettre à Boussaâda de retrouver son ancienne oasis. Mais rien n'a été réalisé. Le Fort Cavaignac qui surplombe la ville a été reconverti en siège de la BMPJ. Et la Place des chameaux a été transformé en... jardin ». Au motel d'Alger de Boussaâda, plusieurs jours après la visite de M. Sellal dans la région, les commentaires vont bon train. «M. Sellal n'a pas inauguré la piscine semi-olympique. Elle n'est pas réalisée selon les normes... Par ailleurs, il a qualifié les nouvelles cités de moyenâgeuses». En évoquant la «cohabitation» des religions, à travers l'existence de la mosquée, de l'église et de la synagogue à Boussaâda, ce jeune nous apprendra que z'fiti, un plat très apprécié de la région, est d'origine juive. Djemai Benrahal