Aberration - Dans un entretien accordé récemment à l'APS, un professionnel du secteur a tiré la sonnette d'alarme. Il s'agit du chef de service de chirurgie cardiaque à l'Etablissement hospitalier spécialisé Mohamed-Abderrahmani de Bir Mourad Raïs, le Pr Salah Eddine Bourezza. Ce dernier a dénoncé le transfert des malades du secteur public vers le secteur privé, notamment en matière de chirurgie cardiaque. Un phénomène qui semble être connu de certains, supposé par d'autres, et confirmé par d'autres encore sans même le savoir, tant le secteur traîne sur des béquilles et arrive ainsi par accumulation à ne plus choquer par ses pratiques. Pour le Pr Bourezza, le secteur public devient «une annexe» du secteur privé, allant jusqu'à affirmer que l'établissement où il exerce peine à trouver des malades à opérer, tant le phénomène s'est généralisé. «La majorité des praticiens en chirurgie cardiaque du secteur public préfère travailler pour le compte des cliniques privées, sauf qu'en cas de complications, le malade est transféré vers un établissement public car mieux équipé en matériel médical», a-t-il déploré. Pis, des médecins étrangers prennent en charge de «simples» cas de maladies cardiaques dans des cliniques privées, alors qu'ils sont à la portée des maîtres assistants et médecins résidents algériens, regrette le Pr Bourezza qui appelle à contrôler les salaires de ces médecins étrangers. La plupart de ces médecins ne connaissent même pas leurs patients et arrivent la veille de l'intervention. Certains pratiquent une douzaine d'opérations en deux ou trois jours, qualifiant cela d'impossible sur les plans «technique et chirurgical». Il s'est, d'ailleurs, interrogé sur le taux de réussite de ces opérations et du nombre de décès qui en découlent dans les cliniques privées. Le spécialiste a, dans ce sens, cité le cas d'un chirurgien qui a pratiqué des opérations chirurgicales sur des enfants atteints de maladies cardiaques génétiques «malheureusement tous décédés», soulignant le manque d'expérience dans ce domaine. Pourtant, une instruction du ministère de la Santé stipule que les cardiopathes dont le cas nécessite une opération chirurgicale, ne devaient pas se faire traiter dans une clinique privée avant de passer par un établissement public, a-t-il indiqué, précisant que cette instruction a été temporairement appliquée. Cette pratique «encourage» le transfert des malades du secteur public vers le secteur privé même si la Constitution algérienne stipule «que l'Etat a le devoir de prendre en charge et de protéger la santé du citoyen». Un autre phénomène malheureux donc à mettre au passif d'un secteur qui, depuis le temps, n'a toujours pas envisagé de se remettre en question...