«La mère avant tout.» (tatouage sur le bras d'un repris de justice). Il fut un temps, quand chaque chose avait une signification, où le titre de «Si» n'était donné qu'aux érudits et à ceux qui se distinguaient par leurs grandes vertus. «Si» était, en quelque sorte, une particule de la noblesse d'âme. Aujourd'hui, il est décerné à pleines poignées, à qui en veut bien. Il y en a même qui s'autoproclament «Si flène». Lorsqu'ils se présentent, ils disent d'eux-mêmes : «Je suis Si flène.» Il y a même des boulangeries «Si Amar» et des boucheries «Si Ahmed». Pourtant, de nos jours, s'il y a bien des personnes qui, par leurs grandes vertus, méritent bien ce titre jusque-là réservé aux hommes, ce sont les femmes. Ce serait formidable et ce ne serait que justice si l'on pouvait les appeler «Si Fatima», «Si Leïla», «Si Hakima» ! Ah, ces femmes qui ne sont nos moitiés que statistiquement, puisqu'elles représentent la moitié de la population et que les hommes, dans leur ensemble, récompensent bien mal de leur admirable abnégation. Au point même que certains handicapés du cerveau disent «hachakoum» ou «karamoukoum Allah» lorsqu'ils parlent d'elles. Comme s'ils avaient évoqué quelque chose d'impur et de malsain. Ces femmes qui les ont conçus, qui les ont portés en elles, qui les ont mis au monde dans la douleur, qui les ont allaités de leur sein, qui leur ont prodigué tant d'amour et de soins attentifs. Ces femmes qui n'ont pas d'horaire de travail et qui se dévouent pour nous servir comme si elles étaient nos servantes, sans jamais émettre la moindre plainte, qui s'inquiètent pour nous, vibrent à nos joies et pleurent nos drames et nos échecs. Certaines d'entre elles ne mangent qu'après avoir servi leurs hommes. Celles d'entre elles qui travaillent à l'extérieur le font avec un sérieux exemplaire. Elles s'absentent moins que les hommes, n'arrivent pas en retard. Elles sont consciencieuses et discrètes. Et lorsqu'elles rentrent chez elles, quand les hommes s'affalent devant la télé ou vont au café, elles se ceignent de leur tablier et s'occupent du ménage du foyer, souvent sans être aidées, comme si Dieu ne les avait créées que pour être nos esclaves soumises. Pourtant, malgré tout ce dévouement, beaucoup d'hommes, du haut de leur prétention et de leur suffisance, continuent à dire et à penser que l'enfer sera peuplé de femmes, qu'elles sont stupides, bavardes, médisantes et faibles. Faibles ? L'ingratitude de cette «redjla» éculée à l'endroit de cette belle «nessoua» montre combien nous sommes indignes de tout le bien qu'elles nous font. N'attendons pas la Fête des mères ou la Journée de la femme pour dire à nos mères, nos épouses, nos filles, nos sœurs, nos consœurs et nos amies : «Femmes, je vous aime.»