Image Aïcha révise ses leçons, sa grande fille l?assiste. Quelques années plus tôt, les rôles étaient inversés. «Dès que j?ai une bonne note, j?accours, troublée et émue, à la maison, annoncer l?heureuse nouvelle à mes enfants, même s?ils ne comprennent pas vraiment le pourquoi de ce bonheur !», raconte Aïcha, une veuve de 60 ans, mère de cinq enfants, qui suit des cours d?alphabétisation depuis trois ans. C?est en se rendant un vendredi à la mosquée, comme à son habitude, que l?une de ses amies lui parle de ces fameux cours. Aïcha prend le taureau par les cornes et s?y inscrit. «Etudier est une thérapie pour moi. Depuis la mort de mon mari, il y a 12 ans, j?étais anéantie et épuisée moralement. Je souffrais de troubles de mémoire, j?avais peur de sortir, j?étais souvent anxieuse et enfermée.» Un choix qu?elle ne regrettera jamais, puisque c?est grâce à ces cours qu?elle a retrouvé cette confiance perdue. Aujourd?hui, elle se consacre à sa propre personne après une lourde et pénible responsabilité : faire vivre ses enfants. «Je lis le journal et le Coran. J?envisage même de me rendre aux Lieux-Saints. Je n?ai plus peur de me sentir perdue ou de ne pas savoir ce qu?il faut faire.» En classe, Aïcha assume toujours son rôle de mère, car elle encourage ses camarades à étudier et à persévérer. Elle s?est fait aussi beaucoup d?amies, ce qui l?a aidée à vaincre sa solitude. «Je suis heureuse. J?arrive à lire les livres religieux, à apprendre les prières par c?ur et les faire correctement. Il faut continuer, j?étais dans l?obscurité et je découvre la lumière. C?est fabuleux !» Sur son visage ridé, se dessine cette insatiable curiosité d?enfant. «Je fais mes devoirs, je révise mes leçons, je suis une bonne élève, d?ailleurs j?ai une moyenne de 9/10 !», lâche-t-elle avec un sourire fier. «J?étudierais même à 90 ans, si ma vie se prolongeait et si ma santé me le permet. Sinon, rien ne m?arrêtera.» Ses études sont aussi une revanche sur le sort, puisqu?elle a longtemps rêvé d?étudier l?arabe. Un rêve qui s?est brisé à l?époque de la colonisation française, puisque la langue arabe était interdite dans les écoles. Ce qui l?a frustrée, car elle a été privée pendant toute sa vie de sa langue maternelle. «Mon âge ne me dérange pas, le plus important c?est d?apprendre.»