Dans le bestiaire algérien, le lion, sbaâ en arabe, izem et war en berbère, tient une place de choix : c'est le saltan lweh'uc, le roi des animaux et, à ce titre, il représente la royauté avec tout ce qui l'accompagne comme qualificatifs : puissance, gloire, fortune, dignité, générosité? Ces symboles sont anciens puisqu'on les retrouve sur les monuments antiques ; à ce titre, ils sont également universels puisqu'ils sont attestés pratiquement dans toutes les civilisations. Cependant, le lion, malgré ses titres honorifiques, garde sa nature : c'est avant tout un fauve capable des plus grandes cruautés, ainsi que le montrent les contes et les légendes. On lui reconnaît toutefois le mérite de ne pas être félon, de s'attaquer directement à ses proies, sans ruser ni louvoyer. De plus, il est capable de sentiments comme la pitié. On rapporte à ce propos la fable de l'homme qu'un lion et un serpent guettent des deux côtés de la route. L?un et l?autre ne manqueraient pas de l'attaquer et il est obligé, pour rentrer chez lui, d'avancer. Il réfléchit au choix qui comporte le moins de danger et se dit : «Le serpent est né d'un ?uf, il ne connaît pas la douceur du sein maternel ; le lion, lui, est né comme l'homme et il a tété sa mère... Il pourrait donc éprouver des sentiments et m?épargner !» Il choisit donc la route du lion et, dit la fable, la bête le laissa aller ! Puissant et généreux, le lion a aussi, dans la tradition algérienne, la réputation d'avoir? l?haleine fétide : les chairs des proies qu'il dévore restent collées entre ses dents et font puer sa bouche. L?un de ses sobriquets est d'ailleurs «puant de la gueule». Mais, dit le proverbe, «personne ne dit au lion que sa bouche pue», autrement dit, on se garde bien de dévoiler les défauts des puissants par crainte des représailles qu'ils peuvent exercer.