Réaction - Ils refusent de servir de paratonnerre aux responsables qui ont failli dans leur mission de mettre au point un service de santé efficient en Algérie. S'ils affirment comprendre les malades, ils refusent de prendre seuls la responsabilité de la faillite d'un système mis en place en leur absence. Les médecins tiennent avant tout à mettre en avant le premier principe qui régit leur fonction. «Un médecin est tenu à l'obligation des moyens et non du résultat», affirme le Dr Younsi, président du Syndicat national des praticiens spécialistes de santé publique (SNPSSP). Tout praticien est, en effet, tenu de mettre tous les moyens (connaissances acquises et matériel disponible) pour soigner tous les malades de la même manière. Il ne peut, en revanche, assurer la guérison. Le président du SNPSSP n'y va pas avec le dos de la cuillère pour critiquer à son tour la situation de la santé en Algérie et il n'hésite pas à la qualifier de tragique. Il reconnaît le droit à la santé à tous les citoyens. Les praticiens rappellent qu'eux-mêmes sont des citoyens et qu'il leur arrive de tomber malades. Ils citent comme exemple ce qui est arrivé à leur confrère, mort dans un hôpital faute d'un défibrillateur. «L'éminent professeur en chirurgie thoracique, Ameur Soltane, est décédé au CNMS, le premier centre de chirurgie thoracique en Algérie. Il a fait une crise cardiaque. Il est arrivé vivant dans cet hôpital, mais il n'y avait pas de défibrillateur pour le réanimer. Cet appareil est disponible dans les gares et les aéroports dans les pays développés. En Algérie, il est caché dans des bureaux», s'insurge un des élèves du professeur défunt. Concernant les hôpitaux de l'intérieur du pays, les praticiens se demandent pourquoi seuls les médecins sont obligés de faire le service civil. «Nous ne sommes pas contre le service civil, mais s'il est appliqué à tous les universitaires. Puisque le service civil n'est pas appliqué aux autres, je trouve que c'est une injustice quand il ne concerne que les seuls praticiens spécialistes et pas les généralistes», dit le Dr Yousfi. Ce dernier rappelle que les entreprises publiques algériennes accordent des avantages significatifs en termes de salaire et d'hébergement aux travailleurs mutés au Sud. «Le médecin spécialiste n'a le droit à rien.» Le président du SNPSSP tient à tirer la sonnette d'alarme quant à l'envoi de nouveaux spécialistes à l'intérieur du pays. «Les nouveaux médecins ne sont pas opérationnels à 100 %. Ils doivent être encadrés au début. En l'état actuel des choses, ils ne font qu'évacuer les malades vers les CHU. Certains osent travailler, il y a alors les risques d'erreurs médicales», dit le Dr Yousfi. Son organisation préconise le jumelage entre les hôpitaux du sud et du nord, avec obligation qu'il y ait toujours des praticiens spécialistes seniors pour encadrer les jeunes. Il se dit contre les dispositions qui permettent aux médecins du secteur public de faire des vacations dans le privé. «Un médecin dans un CHU soigne et forme les nouveaux médecins. Nous constatons par exemple que la formation des nouveaux médecins n'est pas au top», ajoute le syndicaliste. Le SNPSSP a toujours refusé le temps plein complémentaire, ce syndicat invite les praticiens à faire le choix entre le secteur public et le secteur privé.