Inhabituel Noureddine S. quitte le minuscule box de l?exiguë salle d?audience du tribunal de Koléa, pour répondre du délit d?insultes dans une salle de? soins !!! On est tenté ne pas avaler le fait que ce «quadra» a déjà passé vingt et un ans de prison ! Il ne les fait pas, tant sa personnalité est criante. De ce fait et cela se voit lorsqu?il bombe le torse devant Benaïda le juge, il doit ne pas supporter l?humiliation. Il est si bien accroché à cet état de fait qu?il prend la parole avant le président aujourd?hui austère : «M. le président. Avant que vous me signifiiez l?inculpation ou tout autre histoire à envoyer un ado au maquis, laissez-moi vous déclarer que seule ma version est valable. J?ai fait l?objet de hogra dans un lieu supposé accueillir le blessé que j?étais au moment des faits. Ce n?est point votre verdict ni la détention qui m?ont fait parler. Non. J?ai déjà purgé plus de vingt et un ans pour un crime», récite sans ponctuation le détenu, visiblement fort de caractère et n?ayant rien à perdre, absolument rien. D?habitude, exubérant et jovial, le juge a le visage grave des mauvais jours : «Allez-y mon fils. Dites-nous brièvement ce qui vous amène dans cette salle», lâche le magistrat qui profite du désarroi - quand même - de l?inculpé pour le rassurer donc sur la sérénité des débats et qu? il n?avait rien à craindre des foudres de son casier judiciaire. C?est ainsi que Noureddine S. apprendra, avant d?évoquer les faits, que, divorcé, il avait écopé de la perpet, mais avait reçu les grâces des multiples... grâces, grâce à son comportement. Me Ouali Laceb gonfle ses joues rondes en guise de «oh !» de stupéfaction. Enfin, le prévenu se décide à dire au tribunal ce qui s?est exactement passé à l?hôpital. Il apparaît qu?il était entré blessé, un mégot entre les phalanges et qu?il avait fait l?objet d?humiliation : «On aurait pu me demander de l?éteindre gentiment sans aller jusqu?aux menaces et autres propos orduriers indignes de fonctionnaires.» Puis Noureddine tente de convaincre le juge que cette histoire de cran d?arrêt n?existe pas. Totalement déformée ! «Le tribunal allait poser effectivement cette question. Avez-vous, oui ou non ,brandi un poignard ?» dit sèchement Benaïda qui obtient comme réponse que l??incculpé voulait se suicider : «Oui, j?ai sorti l?arme blanche pour m?éventrer. On m?a retenu sans ménagements. Les minables qui m?ont humilié me dégoûtaient tant et si bien que je voulais quitter cette vie de chien et pas n?importe quel chien.» Silencieux jusque-là, Zemouri, le procureur, rappelle au tribunal qu?il avait trois témoins prêts à la confrontation avec le détenu et demande au passage 3 mois de prison ferme. Un silence lourd règne dans la salle. Pour son dernier mot, Noureddine demande pardon à la justice bien qu?il plaide encore innocent et «mahgour». Le président saisit au vol le repentir de l?inculpé qui écope de six mois assortis du sursis. Hogra ou pas, on ne doit jamais jouer qu justicier car cela peut conduire à la barre.