L'ambiance dans la salle d'audience et dans le box des accusés n'est plus la même. Jeudi, il y a eu un changement. Huit accusés, qui étaient en liberté, se sont retrouvés dans le box pour prendre la place des huit autres ayant bénéficié de l'acquittement. Certains « nouveaux libres » n'ont pu s'empêcher de venir jeudi au procès pour réconforter leurs ex-coaccusés. C'est le cas de Lilya Ladjlat, de Khalifa Construction, innocentée par le tribunal la veille, mais qui est restée tout au long de la journée de jeudi aux côtés de ses ex-collègues condamnés. Au box des accusés, de nouveaux visages sont apparus et d'autres ont disparu. Ainsi, Ahmed Chaâchouâ, le père, condamné à trois ans avec sursis, a quitté le box pour se mettre sur un banc, en face de ses deux enfants, gardés en détention. Toute la journée, il n'a cessé de les fixer du regard, avec des yeux larmoyants. Jeudi, il était entouré de ses deux belles-filles, qui avaient peur d'être expulsées de leur maison, du fait de la décision de saisie rendue par le tribunal. « Tant que le jugement n'est pas définitif, cette décision ne peut être mise en application », lance Me Ksentini pour les rassurer. La place d'Ahmed Chaâchouâ a été prise par Jeddidi Tewfik, directeur de l'agence de la caisse des retraités à Oum El Bouaghi, condamné à 5 ans de prison avec mandat de dépôt à l'audience. Sa famille, qui visiblement ne s'attendait pas à une telle décision, a rejoint en nombre le tribunal. Son épouse et son fils ont, durant toute la journée, gardé le silence, préférant pleurer leur drame au fond de la salle d'audience. Mustapha Menad, ancien directeur financier de la Cnas, condamné à trois ans avec mandat de dépôt à l'audience, n'est plus à sa place à la deuxième rangée des bancs. Il prend la place de Yacine Ahmed, PDG de Digromed, acquitté par le tribunal la veille. La famille Menad est sous le choc. Son épouse n'a pu contenir sa colère, tout comme son frère, ancien joueur de football de l'équipe nationale, qui a exprimé sa colère notamment contre Abdelmadjid Sidi Saïd, secrétaire général de l'UGTA, qui, selon lui, devrait être à la place de son frère. « C'est injuste. Sa mère a fait hier un coma diabétique. Pourquoi lui ? Il n'a rien fait. C'est injuste », crie-t-elle en sanglots. Les agents de l'ordre la dirigent vers la sortie de la salle d'audience. Dans son coin, au box des accusés, Mustapha Menad, se prend la tête entre les mains, pleure. Dalal Abdelwahab, agent de sécurité de KGPS, a lui aussi quitté le box des accusés après avoir bénéficié de l'acquittement. Tout comme Zerrouk Djamel, ancien directeur général adjoint de Khalifa Airways, condamné à deux ans de prison, qu'il a purgés, et qui se retrouve de ce fait en liberté. Boubedra Hassane, directeur général de la caisse de sécurité sociale des non-salariés (Casnos), condamné à 4 ans de prison avec mandat de dépôt à l'audience, se retrouve au premier rang dans le box des accusés, à la place de Larbi Salim, steward de Khalifa Airways, acquitté la veille. Il est abattu et n'arrive même pas à adresser un regard à sa famille qui le scrute de loin en larmes. Abdelmadjid Bennaceur, condamné à 3 ans de prison ferme avec mandat de dépôt à l'audience, est assis à la place de Chaâchouâ Abdelhafid, lequel a pris celle de Dahmani Noureddine, de la comptabilité à El Khalifa Bank, condamné à deux ans de prison avec sursis et qui a quitté la prison. Quant à Kerrar Slimane, le financier de la Caisse nationale des retraités (CNR), il s'est mis au fond, comme pour échapper aux regards de sa famille et de ses proches. Meziani Abdelali, président du conseil d'administration de la CNR, condamné à trois ans ferme avec mandat de dépôt à l'audience, s'est placé au deuxième rang du box des accusés. Les yeux rougis, le visage livide et crispé, il ne put s'empêcher de lancer des regards tristes à sa famille venue en grand nombre, avant de se prendre la tête entre les mains. La mère, la sœur, les tantes et l'épouse, sans compter les enfants. Ils sont tous là et crient en pleurs leur douleur. Benameur Farid, président de la mutuelle des enseignants, condamné à trois ans de prison avec mandat de dépôt à l'audience, est assis à côté de Menad Mustapha, à la place de Zerrouki Fayçal, directeur de l'agence de Blida (qui a remplacé à ce poste Kechad Belaïd), acquitté la veille. Benchefra Ahmed, directeur général de l'OPGI de Constantine, condamné à trois ans de prison et un mandat de dépôt à l'audience, prend la place de Bousehaoua Mohamed Rachid, dentiste, gendre de Ahmed Chaâchouâ, acquitté la veille. Ahmed Benchefra semble abattu. A aucun moment, il ne lève la tête, jusqu'à la fin de la matinée. Au moment où l'audience matinale a été levée, les avocats demandent à la présidente de voir les accusés pour leur remonter le moral et de permettre à ces derniers de rejoindre la prison après, leur évitant ainsi les regards de leurs proches. La présidente accepte, d'autant que les accusés ne sont pas concernés par les demandes civiles.