Un policier est agressé et sauvagement par un jeune voisin de 20 ans. Un drame... A l'appel du greffier de l'audience pénale, la victime, un policier de près de trente ans s'avance d'un pas mesuré, lourd, comme s'il allait à l'échafaud. La tête que faisait l'agent de la DGSN désignait le drame qui plane dans la salle d'audience du tribunal de Koléa (cour de Blida). Et le drame, c'est l'arrivée dans le box d'un teenager à la barre. Un carré de sparadrap sur le côté gauche d'un front haut et déjà dégarni, il est vite prié de décliner ses coordonnées. Excité au plus haut point, il débite sa version comme s'il récitait un texte par coeur. Le président joue au naïf alors que le procureur laisse échapper un rictus en guise de désaccord avec la version de l'inculpé de coups et blessures volontaires ayant entraîné une incapacité de vingt et un jours et cinq dents ramassés par les voisins. «Ce policier me doit mille dinars. Lorsque je lui ai réclamé mon dû, il a refusé. Quelques jours après, à la fin de la prière d'El Icha, j'ai entrepris la même démarche. Il m'a alors pris au collet et poussé contre le mur, et toute cette scène s'est déroulée dans la mosquée. Des fidèles se sont interposés. Ils nous ont séparés un moment», dit à haute voix et en gesticulant le détenu. Le juge semble mi-agacé, mi-amusé: «Vous êtes ici, debout, en train de faire perdre son temps au tribunal qui refuse tout net cette version tronquée», martèle le magistrat qui ne quitte pas des yeux Maîtres Hamidouche et Zahra Benouatass, les avocats des antagonistes. Le policier est invité à son tour à la barre. Il débute tout de go par un assourdissant : «M.le président, je suis prêt à jurer sur le Coran que je ne dois pas un seul dinar à mon jeune voisin. Il m'a donné un seul coup de tête auquel je ne m'attendais pas. Il a joué de ruse et m'a frappé par traîtrise. Vous pensez bien qu'en lutte, je l'aurais désarçonné d'une prise en moins de deux secondes», lâche la victime dont les traits vont se tirer lorsque le juge brandit une photo avec la bouche dégarnie de cinq dents, prise le jour de l'agression. «Regardez les dégâts causés à cet agent», gronde le juge qui invite les parties à plaider le dossier sans passion. Cette remarque a été faite car tout magistrat a sous les yeux un dossier avec, de surcroît, un élément de la DGSN comme agressé. Ce corps qui veille au bien-être des citoyens. Ce corps dont l'un des siens a été pris à partie sans aucune raison par un jeune de vingt ans à peine et c'est là le drame. Qu'a-t-il à reprocher au policier? Mille dinars? Allons donc. Les dommages eux ont été fixés à trente-cinq mille dinars. Me Hamidouche, le défenseur d'un agent de la DGSN, victime d'un coup de tête de la part de son jeune voisin qui ne le porte pas dans son coeur, a regretté ce délit. L'agression a fait perdre cinq dents au policier qui a brandi un certificat d'incapacité de vingt et un jours. Le conseil a vivement protesté contre ce genre de comportement où en 2005, l'agent chargé du maintien de l'ordre est mis K.-O. par un jeune qui n'avait aucune raison d'en vouloir à la victime. Le PR a requis quinze mois de prison ferme en dramatisant les faits. Me Zahra Benouatass, l'avocate du détenu a plaidé dans le sens contraire de son aîné. Elle met en valeur le jeune âge de son client à qui la victime devait mille dinars. «Mon client a tenté de récupérer son bien. Mais son voisin, fort de sa position sociale, a carrément refusé», s'est écriée l'avocate qui a condamné au passage la perte de sang-froid de son client qui a écopé d'une peine de trois mois de prison ferme.