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Crise ukrainienne
Obama en première ligne contre Poutine
Publié dans Info Soir le 08 - 03 - 2014

Tension ■ Barack Obama est monté en première ligne face à son homologue russe Vladimir Poutine, augmentant encore les enjeux d'une crise aux conséquences potentiellement périlleuses.
Depuis que la situation a pris un tour aigu avec les mouvements de troupes russes en Crimée, le président américain s'est entretenu deux fois au téléphone avec M. Poutine, des conversations longues -90 et 60 minutes- qualifiés de «directes» et «franches» par Washington.
Selon des responsables américains, M. Obama a tenté d'argumenter en faveur d'une sortie de crise, qui permettrait à M. Poutine de sauver la face en obtenant des assurances sur la sécurité des russophones en Crimée et la légitimité d'un futur gouvernement ukrainien, en repliant en échange ses forces dans leurs bases de la péninsule. De son côté, le secrétaire d'Etat John Kerry s'est évertué à obtenir un accord avec son homologue Sergueï Lavrov. Mais l'annonce cette semaine d'un référendum sur le rattachement de la Crimée à la Russie risque de rendre ces efforts nuls et non avenus, alors que M. Obama a aussi mis en place le canevas de sanctions contre la Russie. Le président américain, intervenant depuis la Maison Blanche jeudi, a prévenu que l'organisation d'un référendum sur le rattachement de la Crimée à la Russie violerait le droit international, quelques heures après la mise en place d'un cadre de sanctions et de possibles gels d'avoirs par son administration. Si jamais Moscou confirme son emprise sur la Crimée, la réputation de M. Obama, déjà attaquée par ses adversaires républicains du Congrès, sera en jeu, et il devra mettre ses menaces de sanctions à exécution, s'exposant à des représailles de Moscou. Ce scénario semble digne de la Guerre froide, même si Moscou et Washington récusent l'idée d'un retour de 25 ans en arrière, un équilibre de la terreur entre deux superpuissances nucléaires. Mais leur coopération dans d'importants dossiers géopolitiques est mise en question : les pourparlers sur le nucléaire iranien, l'évacuation de l'arsenal chimique syrien ou encore le retrait américain d'Afghanistan. Pour Lee Feinstein, ancien ambassadeur en Pologne et conseiller de campagne de M. Obama, ce dernier a de moins en moins de choix s'offrant à lui. «Cela va dépendre de la trajectoire de Poutine. Si l'intervention en Crimée se poursuit, cela va rendre les choses bien plus difficiles dans un grand nombre de dossiers», prédit M. Feinstein, qui émarge au groupe de réflexion German Marshall Fund. Sur le terrain, une grande manifestation pro-russe doit se tenir aujourd'hui à Donetsk, bastion russophone de l'est de l'Ukraine. La situation est en revanche toujours aussi tendue en Crimée, où hier encore, pour la deuxième journée consécutive, les observateurs militaires de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) ont été empêchés de pénétrer dans la péninsule par des hommes armés et cagoulés en treillis qui arboraient des drapeaux russes.
Moscou brandit l'arme énergétique contre Kiev
Le géant public russe Gazprom a menacé hier vendredi l'Ukraine d'interrompre ses exportations de gaz en raison d'impayés de 1,89 milliard de dollars, comme ce fut le cas pendant l'hiver 2009, quand des coupures avaient perturbé l'approvisionnement de pays européens. Soumis à des sanctions économiques et diplomatiques des Etats-Unis et de l'Union européenne, Moscou a menacé d'avoir recours à l'arme énergétique. «Soit l'Ukraine règle ses arriérés, soit il y a un risque de revenir à la situation de début 2009», a mis en garde le patron de Gazprom, Alexeï Miller, cité par les agences russes. Une coupure de gaz punirait le nouveau gouvernement ukrainien pro-occidental arrivé au pouvoir à Kiev après la destitution fin février du président pro-russe Viktor Ianoukovitch, qui pour Moscou est toujours le chef de l'Etat «légitime». Mais une interruption des livraisons de gaz russe à Kiev toucherait aussi l'Union européenne, dont la moitié des achats (65 milliards de mètres cubes) transite encore par l'Ukraine.
Gare à l'effet boomerang sur les Etats-Unis
Le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov a mis en garde son homologue américain John Kerry contre une action précipitée ou l'imposition de sanctions susceptibles de nuire aux relations russo-américaines, hier vendredi, lors d'une conversation téléphonique, a indiqué le ministère russe des Affaires étrangères. «M. Lavrov a mis en garde contre des initiatives hâtives et irréfléchies susceptibles de porter préjudice aux relations russo-américaines, et notamment contre des sanctions qui auront inévitablement un effet de boomerang sur les Etats-Unis eux-mêmes», a indiqué le ministère dans un communiqué diffusé sur son site internet. Au cours de cet entretien, les deux ministres ont poursuivi les discussions qu'ils ont eues à Paris et à Rome et qui n'ont pas permis de surmonter leurs divergences concernant la crise ukrainienne. Les deux chefs de la diplomatie ont décidé de «continuer à étudier les problèmes relatifs à la crise politique aiguë» en Ukraine, selon le communiqué. Jeudi, le président Obama a ordonné des restrictions de visas pour un certain nombre de responsables accusés de «menacer la souveraineté de l'Ukraine». La Maison Blanche a indiqué que les Etats-Unis pourraient adopter d'autres sanctions contre des responsables russes.
Une enquête contre un leader pro-russe
A Donetsk, capitale du Donbass, un bassin minier frontalier de la Russie, dont est originaire le président Viktor Ianoukovitch, la justice a ouvert une enquête sur l'«atteinte à l'intégrité nationale» contre Pavel Goubarev, un homme d'affaires local propulsé leader des pro-russes, au même titre que les dirigeants de Crimée qui ont demandé le rattachement à Moscou. Il a été arrêté jeudi et risque dix ans de prison. Dans cette région, les partisans d'un ralliement à Moscou ont déjà occupé pendant trois jours l'administration régionale et y ont hissé le drapeau russe blanc, bleu et rouge, avant d'être délogés par la police jeudi au petit matin. En outre, des manifestations concurrentes des deux camps ont réuni des milliers de personnes, tournant mercredi soir à la bagarre générale.


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