Résumé de la 91e partie ■ Mère Marie-Joseph conseilla à Chantal d'apprendre le fidjien. «Ce sera pour vous une excellente occupation, puisqu'elle est difficile... Le gendarme venait de frapper sur son tambour pour obtenir le silence de la foule. A l'appel du chef, les deux plaideurs s'avancèrent ; celui de droite était borgne, celui de gauche unijambiste. L'objet du litige, la poule, fut apporté dans une caisse en bois, aux pieds de Mère Marie-Joseph qui attendit que le silence fût général pour ouvrir les débats. Il fut facile à Chantal, malgré son ignorance du fidjien, de comprendre la scène se déroulant devant le goyavier. Les plaignants faisaient force gestes en parlant ; la foule ponctuait par des murmures chacune de leurs explications. Seule, Mère Marie-Joseph restait impassible, posant de temps en temps une question précise. Chaque question de la supérieure-juge de paix déchaînait un flot de paroles chez les antagonistes. Quand cette joute oratoire fut terminée et que le combat parut diminuer d'intensité par manque d'arguments, Mère Marie-Joseph prit la parole en fidjien : — Vous prétendez chacun que votre adversaire a volé votre poule ? Eh bien sortez cette poule de sa caisse et donnez-la-moi... Vous allez courir jusqu'aux vérandas respectives de vos maisons, qui, se trouvent de l'autre côté de la place. Quand vous serez arrivés, au signal de la cloche, vous appellerez chacun la poule en lui lançant du grain. Les lépreux obéirent après une certaine hésitation. Dès que le chef agita la cloche, les deux hommes se mirent à crier en lançant des poignées de grain pour appeler la poule. Celle.ci, à laquelle la sœur supérieure avait rendu sa liberté, alla aussitôt vers la maison ou, habituellement, elle recevait sa nourriture. La cause était jugée l'assistance se retira en silence, stupéfaite d'une telle sagesse. — Rentrons, dit la supérieure à Chantal. Le temps d'enfourcher ma monture et je vous rejoins. La route de la Mission passe devant votre porte... La jeune femme marchait silencieuse à côté du cheval de Mère Marie-Joseph lorsque, celle-ci lui désigna une plantation bordant le chemin : — Ce sont des hydnocarpus, dont le fruit, donne l'huile de chaulmoogra qui vous guérira. Je suis persuadée que vous ne passerez pas à l'avenir devant ces arbres sans les regarder à la fois avec amour et avec inquiétude. Voyez ce vieil homme qui travaille dans la plantation... C'est l'un de nos malades néo-zélandais qui s'est spécialisé dans la culture de la plante merveilleuse. Lui-même ne guérira probablement jamais ; sa lèpre est trop avancée, mais il a découvert le véritable bonheur en consacrant les dernières années de son existence à l'amélioration de la qualité de l'huile. Si tous les lépreux de la terre avaient ainsi, depuis des siècles que la lèpre existe, travaillé pour leurs semblables, Il y a longtémps que cette maladie aurait disparu ! (A suivre...)