Résumé de la 81e partie ■ Chantal sort brusquement de l'église sans prendre congé du missionnaire qui l'accompagnait... Chantal n'avait qu'une hâte, se retrouver seule avec ses pensées, loin des questions indiscrètes ou des regards étrangers. En reprenant le chemin de sa demeure elle passa devant un groupe de femmes installées en plein air sous des cocotiers. Il y avait là des Fidjiennes, des Salomonaises, des Néo-Zélandaises qui chantaient en se penchant sur des métiers. La Mère Marie-Joseph surveillait leur travail et allait de l'une à l'autre pour donner quelques conseils. Dès qu'elle vit Chantal, elle lui demanda : — Comment trouvez-vous notre église ? N'est-ce pas qu'elle est jolie ? — Très jolie, répondit Chantal, uniquement pour lui faire plaisir. — Vous voici devant notre ouvroir, poursuivit la Sœur Supérieure. Vous ne vous doutiez pas que nous pourrions faire une sérieuse concurrence à certains ateliers de la rue de la Paix ! Chantal s'était penchée sur l'un des métiers : le travail exécuté était habile. Elle regarda instinctivement les mains de l'ouvrière : la main droite n'avait plus que trois doigts, les autres avaient déjà été rongés par le mal ; deux doigts de la main gauche étaient recroquevillés, recourbés vers la paume. L'habileté de ces lépreuses lui parut prodigieuse. — Elles ont mis leur point d'honneur à avoir terminé pour Noël, lui confia Sœur Marie-Joseph qui l'entraîna à l'écart pour lui demander : — Vous passerez de temps en temps à l'ouvroir pour nous donner de judicieux conseils ; j'ai le sentiment vague que vous vous y connaissez...Vous me promettez de venir ? — Oui, ma Mère, répondit Chantal. Elle se repentait amèrement de n'avoir même pas eu la curiosité, lorsqu'elle était chez «Marcelle et Arnaud», de visiter les ateliers de cousettes et de s'être contentée de se pavaner dans les robes imaginées, dessinées, exécutées par d'autres. A cette époque, Chantal aurait cru déchoir de son piedestal de femme, créée uniquement pour se montrer, si elle avait gravi les six étages conduisant aux pièces mansardées dans lesquelles naissaient les chefs-d'œuvre, qu'elle se contentait, avec ses camarades de la cabine, toutes aussi sottes qu'elle, de faire valoir dans les salons du premier étage. Poursuivant son chemin vers sa demeure solitaire, elle passa devant une barrière blanche pratiquée dans une haie de bananiers. L'ouverture était assez large pour permettre de jeter un regard d'ensemble vers l'intérieur de l'enclos : Chantal découvrit un jardin rappelant ceux qu'elle avait tant aimés quand elle traversait en automobile la région parisienne. Mais ce jardinet n'était pas tout à fait conçu à la française ; si Chantal avait séjourné en Angleterre, elle se serait crue transportée sur les bords de la Tamise. (A suivre...)