Résumé de la 62e partie ■ Chantal est heureuse d'apprendre qu'elle n'aurait pas à séjourner longtemps à Sydney puisque le «Melbourne» levait l'ancre le lendemain très tôt... Elle ne répondit pas. «L'Empress of Australia» ne l'intéressait plus depuis que Robert l'avait quitté. Le «Melbourne» était de dimensions plus réduites que le colossal paquebot quitté par Chantal. C'était un bateau à classe unique, construit pour assurer la liaison entre l'Australie et Viti-Levu, la plus importante des îles Fidji. Le «Melbourne» ferait d'abord escale à Suva, port et capitale de Viti-Levu, avant de rejoindre Levuka, ville principale de l'île d'Ovalau. Ce serait là que Chantal trouverait le fameux «Saint-John», dont lui avait parlé la Mère Dorothée, surnommé du titre affreux : «Cargo des Lépreux». Le «Saint-John» la déposerait enfin sur la plage de Makogaï où sœur Marie-Ange l'attendrait. Pendant son rapide passage sur le pont du «Melbourne», avant de rejoindre sa cabine, Chantal avait pu constater que les passagers européens étaient en minorité. Le «Melbourne» regorgeait d'Indiens et de Chinois, qui n'avaient pas hésité à céder aux offres avantageuses des planteurs fidjiens, las de la nonchalance native de leurs ouvriers agricoles indigènes. Tous les émigrés asiatiques semblaient s'être donné rendez-vous sur le «Melbourne». La cabine était loin d'offrir le luxe et le confort de celles de l'«Empress of Australia». Le lit était remplacé par une simple couchette étroite sur laquelle Chantal hésitait à s'allonger. Heureusement, la traversée ne s'annonçait pas longue ; l'océan Pacifique était encore calme à cette époque de l'année. Chantal serait à Levuka dans trois jours, Le «Melbourne» roulait plus que l'«Empress of Australia» : elle en éprouvait un véritable malaise. Si les taches s'étaient encore multipliées sur son corps, son visage restait miraculeusement intact et sa fièvre des derniers jours était tombée. Chantal avait appris, en lisant un passage de l'ouvrage du Dr Ramelot, que la fièvre de la lèpre est périodique. En revanche, elle commençait à sentir un terrible engourdissement aux extrémités des membres : elle avait du mal à remuer les doigts de ses mains et de ses pieds. C'était à se demander si tout ce mécanisme indispensable de son corps n'allait pas être bientôt paralysé ? Elle aurait voulu recueillir aussi quelques renseignements complémentaires sur cette île perdue où elle allait vivre pendant de longues années et dont elle ignorait pratiquement tout. La seule personne qui aurait pu la renseigner à Paris était la Supérieure des Sœurs de la Société de Marie ; Chantal n'avait eu ni le temps ni l'envie de la revoir avant son départ. L'équipage du «Melbourne» était australien. Quelques heures avant l'arrivée à Suva, le commissaire de bord vint lui rendre visite en lui demandant, dans un français très correct : — Excusez-moi, Madame, de vous déranger... vous allez, je crois, jusqu'à Levuka ? (A suivre...)