Résumé de la 67e partie ■ Chantal demande à Mgr Midal de lui parler de cette île où elle va vivre... Oui, vous avez une petite lèpre de rien du tout... Le chaulmoogra va vite la faire disparaître ! Les vrais lépreux, ceux qui me donnent encore des nausées à chaque fois que je vais leur rendre visite - et Dieu sait si je devrais y être habitué depuis cinquante années ! - sont à Makogai... Etre en contact permanent avec ces malheureux sera même le côté le plus pénible de votre situation. Bien que vous n'ayez pas de religion, il faudra vous armer d'une charité à toute épreuve. Quand vous en aurez assez de ne voir que des faces monstrueuses, reposez-vous en regardant la petite sœur Marie-Ange. II faut que je vous quitte, mon enfant... Les événements se déroulèrent exactement comme le vicaire apostolique l'avait annoncé. Le Père Anselme qui portait lui aussi une longue barbe, mais noire, était beaucoup plus jeune que son supérieur hiérarchique. Il attendait la jeune femme au débarcadère de Levuka, escorté de deux indigènes qui se chargèrent des bagages. La traversée de la ville se fit dans une vieille Ford conduite par le misionnaire qui, au passage, montra à Chantal les principaux édifices de la ville : la résidence du gouverneur, l'église, le palais de justice. Tous ces bâtiments, sans étages, se ressemblaient par leur blancheur et des toits de chaume qui leur donnaient un aspect de huttes transformées, par la grâce de la civilisation, en bungalows. Chantal regardait tout sans rien voir et se retrouva, après dix minutes de trajet, dans la cellule qui lui avait été réservée au couvent de la Mission des Sœurs de Marie. L'évêque avait eu raison de dire que la cellule serait fleurie : les plantes les plus bizarres envahissaient la petite pièce ripolinée dont l'ameublement se composait d'un lit de fer, d'une table avec une chaise de paille, d'un prie-Dieu en bois placé devant un immense crucifix qui constituait l'unique décoration murale. Malgré cette sévérité, la cellule était charmante : elle donnait - grâce à une large baie, protégée des ardeurs solaires par un store en paille de riz - sur un jardin intérieur qui se rapprochait plus de la brousse équatoriale que du classique jardin de couvent français. La végétation y était d'une richesse et d'une exubérance rares ; les palmiers nains y voisinaient avec les cactus géants et des plantes de tous les climats : aloès, cocotiers, goyaviers, plantes tropicales épineuses et charnues, arbres à pain, bois de rose et de santal, et jusqu'à des pins parasols rappelant les soirs sur le Pincio. Autour du jardin, Chantal apercevait les baies des autres cellules. Ce couvent, parfumé et ensoleillé, ne ressemblait que de très loin à celui, gris et triste, de la rue du Bac. (A suivre...)