Avis ■ «A travers la langue on apprend la tolérance. Plus on s'ouvre sur les langues, plus on s'ouvre sur le monde.» C'est ce que nous a déclaré Mme Ghettas, directrice du Centre d'enseignement intensif des langues (CEIL) d'Alger. Dans ce centre, «ceux qui suivent des cours intensifs de langues, le font pour des besoins scientifiques et académiques.» Parmi ceux qui y suivent des cours de français, on trouve, dans un premier lieu, des étudiants des filières scientifiques (médecine, pharmacie, informatique et technologie). L'enseignement à l'université, dans ces filières, se fait en français. «Arrivés à l'université avec un niveau faible en français, ces étudiants veulent s'améliorer», nous explique Mme Ghettas. Selon elle, les étudiants des sciences humaines apprennent les langues étrangères pour la recherche scientifique. Une récente étude, réalisée par ce centre, démontre que plus de 60% des personnes qui suivent des cours intensifs de langues sont des jeunes filles, et que la plupart des apprenants sont âgés de moins de 30 ans. Cette étude démontre, par ailleurs, que même des personnes dont l'âge dépasse les 47 ans suivent des cours de langues. Parmi ces dernières, on trouve des retraités. «Ceux-ci, s'intéressent aux langues étrangères surtout pour voyager et pour se connecter à Internet», nous explique encore notre interlocutrice. Concernant le classement des langues sollicitées par les apprenants, l'étude démontre que l'anglais vient en première position. Le français vient en deuxième position. Cette étude démontre, également, que les étudiants des sciences économiques constituent une majorité parmi ceux qui suivent des cours intensifs de langues au niveau du centre. Dans ce dernier, 25 étudiants apprennent le chinois et 20 autres étudient le turc. Ces dernières langues sont considérées comme «langues des affaires.» La vocation première du centre était d'assurer la généralisation de la langue arabe lancée dans le cadre de la politique d'arabisation. Mais, «la mondialisation a fait des langues une revendication de toutes les couches sociales», nous fera remarquer, en outre, Mme Ghettas. Selon notre interlocutrice, parmi les besoins professionnels figure le secteur des banques. Si le CEIL d'Alger affiche complet, c'est parce que les places pédagogiques sont limitées. Etrangement, au niveau de ce centre, on ne trouve aucune bibliothèque pour étudiants. «Il n'y a aucune culture pour la lecture», nous dira une enseignante. Au niveau du Centre culturel français d'Alger, il faut faire la chaîne pour s'inscrire. Selon Fabrice Ribert, responsable du département de langue française de l'Institut français d'Algérie, les cinq centres culturels français, ouverts dans notre pays, enregistrent 15 000 inscrits annuellement. Selon ce responsable, les gens fréquentent ces centres «pour maîtriser la langue pour le travail, pour améliorer leurs conditions et espérer aller vivre dans un pays francophone.» En tout cas, «on est loin de ce temps des amoureux de la langue de Molière,» conclura-t-il. Thèses de doctorat ou bêtisiers ? «Il y a ceux qui viennent des écoles privées et qui nous disent avoir le niveau 6. Une fois, ici, ils se retrouvent au niveau 1.», Nous dira une enseignante au Centre d'enseignement intensif des langues d'Alger. Et de s'interroger, en faisant allusion au cadre européen commun de référence pour les langues, «mais je me demande comment ces écoles arrêtent leurs niveaux. Elles doivent, au moins, avoir un cadre à suivre...». Abordant le bilinguisme, cette linguiste, nous apprend qu'il n' y a que le bilinguisme équilibré. Il s'agit d'une maîtrise parfaite de deux langues. Evoquant la problématique des langues en Algérie, cette enseignante fera une révélation : «Des thèses de doctorat se font sur les erreurs de français commises par des Algériens.» Comment ? «Sur les erreurs de langues contenues dans les rapports de nos responsables». Une bougie à la rescousse ! Une ancienne enseignante de français, dans un lycée, a fait appel à sa mémoire pour ressusciter un souvenir inoubliable. Dans une salle de classe, où on donnait un cours de français, elle se lève, se met devant le tableau, pour expliquer aux apprenants une histoire de bougie : «Nos instituteurs français nous mettaient une bougie allumée près de nos lèvres pour nous apprendre à prononcer les lettres P et B.» Si la bougie s'éteint, c'est que l'on a prononcé le «P». «Maintenant, je me trouve obligée de parler arabe à mes élèves pour expliquer mes leçons de français», avouera-t-elle avec amertume. Les raisons ? «C'est cette méthode d'enseignement dite globale ou quelque chose comme ça», arguera-t-elle, sans conviction. Notre enseignante décrit les méthodes appliquées actuellement pour l'enseignement de sa langue préférée.