Résumé de la 97e partie ■ Chantal sentit qu'une fois de plus sa beauté lui avait fait une ennemie, et ceci dans une île perdue du Pacifique... Oh ! non, Madame, répondit sœur Marie-Sabine... Ils sont nés ici de parents ou mères lépreuses, mais eux n'ont pas la maladie. Nous les gardons à Makogaï tant que leurs mères resteront dans l'île. Aujourd'hui, c'est jour de promenade. Chantal poursuivit sa route en se retournant plusieurs fois pour regarder s'éloigner le groupe joyeux d'enfants. Une larme perla au bord de ses paupières. Elle passa toute l'après-midi allongée sur son hamac, ne s'étant jamais passionnée pour les matches de football et n'ayant pas l'intention de commencer à y assister à Makogaï, même quand la partie opposait des Fidjiens à des Néo-Zélandais dans de furieuses mêlées arbitrées par un pasteur wesleyen. Si le football ne l'intéressait pas, en revanche la séance de cinéma l'intriguait : quels films pouvait-on bien projeter à Makogaï ? Elle se rendit le soir sur la place de l'hôpital. La séance, venait de commencer en plein air : l'horaire était fixé par la tombée de la nuit. Tous les habitants de Makogaï s'étaient donné rendez-vous devant les deux arbres entre lesquels avait été tendu un écran blanc. Sœur Marie-Ange remplissait les fonctions d'opérateur ; l'appareil était posé sur une table, derrière le large demi-cercle formé par les malades accroupis à terre. Décidément, se dit Chantal, cette Marie-Ange sait tout faire : l'amazone, l'infirmière, l'organiste et même l'électricien ! Elle passait, avec une aisance déconcertante, de l'utilisation délicate de la seringue d'huile de chaulmoogra à la projection de films... Le spectacle était insipide ; l'île des lépreux recueillait les films au soir de leur existence. Pendant cette soirée, Chantal fit la connaissance de personnages, tels Max Linder et Rigadin, disparus depuis longtemps des écrans européens quand elle avait pénétré pour la première fois dans une salle de projection parisienne. Ces films étaient muets avec des sous-titres en français : Chantal était plus émue qu'elle ne voulait le laisser paraître de retrouver sa langue projetée sur un écran devant des centaines de lépreux de tous pays. Le français apparaissait à Makogaï comme étant la langue de la charité, dans la bouche des sœurs missionnaires, et de la joie, par l'intermédiaire du cinéma. Pendant que Marie-Ange faisait l'opératrice sœur Marie-Sabine, que Chantal avait rencontrée l'après-midi même avec les boy-scouts, traduisait les sous-titres à haute voix en langue fidjienne pour qu'ils fussent compris par la majorité des spectateurs. Les interruptions de projection étaient fréquentes les films étaient usés, coupés, recollés. Avant d'être projetés en public, ils l'avaient été devant l'aéropage des quatre, composé du Dr Watson, de Mère Marie-Joseph, du Révérend David Hall et du Père Rivain. (A suivre...)