Résumé de la 152e partie ■ Chantal était ébranlée. La conviction avec laquelle parlait le Dr Watson ne pouvait pas être feinte. Pour la première fois Chantal s'aperçut que le sable de Makogaï était infiniment plus blanc que celui des plages françaises. Au moment où elle allait quitter la plage, elle remarqua à sa droite, abritées des ardeurs solaires par une rangée de palmiers, deux maisons très différentes des autres, car elles n'étaient pas bâties sur pilotis. De nombreux malades y entraient et en sortaient. Mère Marie-Joseph l'acueillit sur le seuil de l'une d'elles, par cette phrase étrange : — Viendriez-vous également déposer ici vos économies ? — Je ne comprends pas. — Vous n'avez pas l'air de vous douter que vous êtes devant la banque de Makogaï ?... Vous avez vu, depuis votre arrivée, les sœurs tenir pas mal d'emplois bizarres, mais je suis persuadée que vous n'aviez pas encore rencontré de bonne sœur banquier ! C'est pourtant le métier que je suis en train d'exercer. —Mais les malades ne possèdent pas d'argent ? —Pourquoi n'en auraient-ils pas un peu ? Ne serait-ce. que pour s'offrir quelques douceurs ou acheter des cadeaux de Noël dans le magasin qui est à côté, où règne sœur Marie-Ange. —Makogaï possède aussi son magasin ? —Un véritable bazar où vous trouverez de tout ! Allez rendre visite à Marie-Ange. Vous lui ferez plaisir, bien qu'elle soit débordée actuellement, à la veille des fêtes. Tous les malades qui ont gagné un peu d'argent par leur travail veulent acheter quelque chose. D'habitude, le bazar ne fonctionne que deux fois par semaine, mais il reste ouvert tous les jours pendant la semaine précédant Noël. Chantal s'approcha du magasin dont l'étalage paraissait bien fourni. Sœur Marie-Ange était littéralement débordée par l'assaut des demandes. Les malades lui tendaient leurs shillings par poignées. —Que faites-vous des bénéfices du magasin ? demanda Chantal. Si j'en crois les apparences, vous devez sûrement en réaliser avec une telle affluence d'acheteurs ? —Nous en faisons de très appréciables. Mais il faut songer aux malades couchés, qui ne peuvent rien gagner parce qu'il est impossible de leur confier le moindre travail à exécuter ; ils n'en auraient pas la force. Est-ce une raison suffisante pour qu'ils ne puissent pas se procurer aussi de menus plaisirs ? D'un commun accord entre mes clients et moi, nous sommes convenus le mois dernier que les bénéfices prélevés serviraient à satisfaire les besoins des lépreux de l'hôpital. La boutique de Marie-Ange contenait, avec beaucoup d'objets d'utilité, des jouets modestes destinés aux enfants malades de l'île et à ceux, bien portants, que l'on avait dû isoler de leurs parents ce n'étaient que poupées grossières ou bateaux, sculptés dans des arbres à pain. (A suivre...)