Avancée ■ Ce jeudi, les jihadistes étaient à moins de 100 km de Bagdad, après avoir pris, la veille au soir, Dhoulouiya. Dans cette ville située à 90 km au nord de la capitale Bagdad, les hommes armés sillonnaient les rues, a raconté un habitant. Dans un enregistrement sonore daté d'hier et diffusé par le réseau américain de surveillance des sites islamistes SITE, l'un des dirigeants de l'EIIL, Abou Mohammed al-Adnani, a appelé les insurgés à «marcher sur Bagdad», critiquant M. Maliki pour son «incompétence». Le Parlement irakien doit se réunir en milieu de journée pour décréter, à l'appel du gouvernement du chiite Nouri al-Maliki, l'état d'urgence dans le pays, plongé dans la tourmente depuis la prise avant-hier de la deuxième ville du pays, Mossoul, de sa province, Ninive, et de régions des provinces voisines de Kirkouk et Salaheddine. Environ un demi-million d'habitants de Mossoul ont fui leurs foyers, craignant pour leur vie et en raison des pénuries qui frappent la cité. Les insurgés avaient auparavant tenté de s'emparer de Samarra mais en avaient été finalement empêchés par l'armée. Ils l'ont alors contournée et ont marché sur Dhoulouiya, selon un responsable. Alors que les forces de sécurité ne parviennent le plus souvent pas à stopper la progression fulgurante des extrémistes, M. Maliki, honni par les djihadistes, a appelé hier «toutes les tribus» à apporter leur soutien armé aux forces de sécurité et à «former des unités de volontaires» pour combattre les insurgés. Outre des territoires du nord, les combattants aguerris de l'EIIL, considéré comme l'un des groupes «les plus dangereux au monde» par les Etats-Unis, contrôlent déjà des régions de la province occidentale d'Al-Anbar, dont la ville de Fallouja depuis janvier. L'EIIL, qui ambitionne d'installer un Etat islamique, a l'appui de tribus anti-gouvernementales, jouit d'un certain soutien parmi la minorité sunnite qui s'estime marginalisée par le pouvoir chiite. Basé dans l'ouest irakien, il s'est infiltré en Syrie voisine via la frontière très poreuse, où il combat aujourd'hui d'autres groupes rebelles qui l'accusent de multiples abus - rapts et exécutions. Il tient en Syrie de larges secteurs de la province pétrolière de Deir Ezzor (nord-est), faisant craindre une unité territoriale avec le nord-ouest irakien. Selon des experts, l'EIIL est constitué en grande partie en Irak d'ex-cadres et membres des services de sécurité du président Saddam Hussein, renversé après l'invasion américaine en 2003. Les troupes irakiennes, formées par les Etats-Unis à partir de zéro et après l'exclusion des soldats sous Saddam Hussein, n'ont jamais réussi à devenir une véritable force armée. Face à cette offensive d'envergure de l'Etat islamique en Irak et au Levant (EIIL), et l'impuissance de l'armée à la contenir, le Conseil de sécurité de l'ONU se réunira à huis clos à partir de 15h 30 GMT, avec une intervention de l'envoyé spécial de l'ONU en Irak, Nickolay Mladenov, par vidéo-conférence. Prise d'otages au consultat turc Les combattants jihadistes de l'Etat islamique en Irak et au Levant (EIIL) ont investi hier le consulat turc de Mossoul et pris en otages près d'une cinquantaine de citoyens turcs qui se trouvaient à l'intérieur, dont le consul, des diplomates de son équipe, des soldats des forces spéciales et trois enfants. Le ministre turc des Affaires étrangères Ahmet Davutoglu a menacé dans la soirée des «représailles les plus sévères» les combattants islamistes en cas de menaces sur les otages «Toutes les parties doivent savoir que s'il est fait le moindre mal à nos citoyens, ils feront l'objet des représailles (...) les plus sévères», a déclaré M. Davutoglu . Initialement établi à 48, le nombre de citoyens turcs retenus en otage à Mossoul a été réévalué à 49, a indiqué le ministère des Affaires étrangères. «Ils sont en bonne santé», a confirmé M. Davutoglu. «Nous avons ordonné l'évacuation (du consulat) il y a deux jours mais nous avons été informés qu'il était plus dangereux pour nos ressortissants d'être à l'extérieur plutôt qu'à l'intérieur du consulat», a-t-il également expliqué. Outre les otages du consulat, le ministère turc des Affaires étrangères a confirmé que 31 chauffeurs de poids-lourds turcs étaient également aux mains depuis avant-hier des combattants d'EIIL, qui ont pris le contrôle de Mossoul. Sitôt confirmée la prise d'otages du consulat, le Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan a réuni en urgence le vice-Premier ministre Besir Atalay et le patron des services de renseignement (MIT) Hakan Fidan pour faire le point de la situation. L'EIIL avait menacé en mars dernier de s'en prendre au tombeau de Souleimane Shah, grand-père d'Osman Ier, fondateur de l'Empire ottoman, un site historique situé à 25 km à l'intérieur du sol syrien. Le gouvernement islamo-conservateur turc a été à plusieurs reprises accusé, notamment par ses partenaires occidentaux, d'avoir fermé les yeux sur les groupes de rebelles syriens les plus extrémistes à sa frontière avec la Syrie et de leur avoir fourni des armes. Les autorités l'ont toujours fermement nié. Les forces kurdes contrôlent Kirkouk Les forces kurdes irakiennes ont pris ce jeudi le contrôle de la ville pétrolière de Kirkouk, afin de la protéger d'un possible assaut des insurgés qui se sont emparés cette semaine de larges portions de territoire en Irak. C'est la première fois que les forces kurdes contrôlent totalement cette ville multiethnique située à 240 km au nord de Bagdad. «Nos forces ont achevé leur déploiement autour de la ville de Kirkouk et nous contrôlons désormais toute la ville», a dit le colonel Fateh Raouf, commandant de la 1ère brigade des Peshmergas (forces de sécurité kurdes). Il a assuré que les forces kurdes «ne permettraient pas l'entrée à Kirkouk d'un seul membre de l'EIIL», en allusion aux jihadistes de l'Etat islamique en Irak et au Levant. Le gouverneur de la province de Kirkouk, Najmeddine Omar Karim, a déclaré que «les forces des Peshmergas avaient comblé le vide laissé par le retrait de l'armée irakienne de ses positions», aux abords sud et ouest de la ville. Il a fait état de «contacts permanents avec Bagdad». «Nous envisageons de récupérer les zones prises par les combattants de l'EIIL», a-t-il ajouté. Kirkouk est le chef-lieu d'une province éponyme, mosaïque ethnique et confessionnelle où cohabitent Kurdes, Arabes et Turcomans, sunnites et chiites, et qui est souvent le théâtre de violences. Images édifiantes L'Etat islamique en Irak et au Levant (EIIL) a diffusé hier sur internet des photos de jihadistes aplanissant au bulldozer un mur de sable entre la Syrie et l'Irak, symbolisant son objectif d'unifier ses forces dans les deux pays. Sur ces images diffusées sur des sites islamistes et sur Twitter, on voit les jihadistes passer au bulldozer au milieu d'un mur de sable, créant ainsi une piste qu'empruntent ensuite des camions et des voitures, tandis qu'un insurgé brandit le drapeau noir de l'EIIL. La première photo de la série de clichés est datée du 10 juin et porte le titre « Briser la frontière Sykes-Picot », en allusion aux accords signés entre la Grande-Bretagne et la France prévoyant le partage du Moyen-Orient à la fin de la Première Guerre mondiale. Un autre cliché montre un insurgé muni d'une Kalachnikov se tenant devant des véhicules des forces gouvernementales irakiennes, laissant penser que les photos ont été prises après le début de l'offensive jihadiste, lundi dernier , durant laquelle des véhicules de l'armée ont été saisis. Néanmoins, l'authenticité de ces photos n'a pu être vérifiée de manière indépendante.