Les jihadistes ont capturé la seconde ville d'Irak et d'autres secteurs du nord du pays, des avancées leur permettant de se rapprocher un peu plus de leur objectif: créer un Etat islamique dans la zone frontalière entre la Syrie et l'Irak, estiment des analystes. L'offensive, revendiquée mercredi sur Twitter par l'Etat islamique en Irak et au Levant (EIIL), est un coup dur porté au gouvernement irakien, témoignant de la faiblesse de ses forces de sécurité qui auront du mal à reprendre les territoires perdus. Les insurgés ont pris d'assaut mardi Mossoul, s'emparant également de l'ensemble de la province de Ninive, où les forces de sécurité ont fui en abandonnant uniformes et véhicules. Dans leur progression, ils ont pris le contrôle de parties de deux autres provinces voisines, Kirkouk et Salaheddine. La perte de Ninive crée un corridor rebelle entre Anbar, Mossoul et la frontière syrienne, facilitant l'acheminement d'armes, de financements et de combattants sur les différents fronts, note John Drake, un analyste de sécurité du groupe AKE. La province d'Anbar, au sud de Ninive et frontalière de la Syrie, est un autre territoire partiellement contrôlé par des combattants anti-gouvernementaux, alors que des jihadistes se sont emparés d'importantes zones dans l'est syrien. L'EIIL a toujours voulu contrôler un territoire et y créer un émirat islamique où il impose la charia, établit des camps d'entraînement et planifie des attaques pour poursuivre la bataille, ajoute M. Drake. La guerre civile en Syrie a donné aux insurgés la chance d'obtenir un tel territoire. Et leur succès est de nature à enhardir leurs partisans, qui voient qu'il est possible de réaliser leur objectif: un Etat islamique, précise l'analyste. Un Etat islamique transfrontalier L'EIIL, le groupe le plus radical en Irak, est en effet également très actif en Syrie où il a lancé en avril une offensive dans la province de Deir Ezzor, frontalière de Ninive, pour y instaurer un Etat islamique. En revendiquant la prise de Mossoul, l'EIIL a averti qu'il n'arrêterait pas cette série d'invasions bénies. Les groupes armés cherchent à créer un Etat islamique, incluant Mossoul, les provinces de Salaheddine, Diyala et Anbar, outre celles de Deir Ezzor et de Raqqa en Syrie, indique Aziz Jabr, professeur de sciences politiques à l'université d'Al-Mustansiriyah à Bagdad. Pour lui, la chute d'une province comme celle de Ninive constitue une menace très sérieuse pour la sécurité nationale de l'Irak. Michael Knights, un chercheur de l'Institute for Near East Policy de Washington, relève que les jihadistes cherchent à disposer d'une zone libérée en Irak, à l'instar de Raqqa en Syrie. Mais la situation a changé maintenant avec des opérations plus ambitieuses pour conquérir plus de territoires: c'est une tactique risquée mais qui donne des résultats. La conquête de Mossoul pourrait augurer d'une nouvelle offensive de l'EIIL, prévient-il. Notant que les récentes opérations de l'EIIL témoignent de la force du groupe, il a ajouté que ses derniers succès étaient impensables il y a deux ans. Mais désormais, ils sont capables de lancer de nombreuses opérations quasi-simultanées à travers l'Irak. L'EIIL a montré sa capacité à surmonter les obstacles pour s'emparer de Mossoul, a-t-il dit. Les forces de sécurité n'ont pas réussi à reprendre Fallouja et une partie de la ville de Ramadi, chef-lieu d'Anbar, contrôlées depuis le début de l'année par les insurgés. Or, Mossoul est une plus grande cité, et sa reconquête ainsi que celle des autres secteurs pris par les jihadistes constitueront un grand défi pour les forces gouvernementales, en manque de formation et de discipline. C'est un coup dur pour le moral des forces de sécurité après leur effondrement catastrophique de mardi, a estimé M. Knights. Bagdad va être désormais terrifiée à l'idée que cela peut arriver n'importe où, conclut-il.