Danger La sonnette d?alarme est tirée sur ce fléau pas assez dénoncé. C?est fou ce que les audiences à huis clos en vue de juger les inculpés de pédophilie, d?attouchements, d?attentat à la pudeur, etc., sont riches en révélations quant à la régression d?une frange de la société et à l?évolution de ces fléaux. Allons-nous suivre le chemin des «Dutroux» ? Où est-ce là une histoire? belge ? Hors de sa plaidorie et pour la partie civile, Me Zoubida Amrani a lancé un appel pressant en direction de la presse nationale qui devrait évoquer, à chaque fois que la nécessité le veut, ce grave fléau, cette abjecte dérive dévastatrice. Mes Boukemouche et Lakhdari ont perdu beaucoup de temps juste de quoi «amollir» le gant de fer qui allait s?abattre sur leur client. Ce dernier n?est pas poursuivi pour le seul délit d?attentat à la pudeur sur une mineure de moins de seize ans, mais pour un autre, aussi grave : menaces à l?aide d?une arme blanche à l?encontre du papa qui avait seulement tenté d?obtenir une explication. Le premier avocat parle de comportement, pas d?un acte. Il souligne l?outrage à la pudeur et non l?attentat. «Ce qui est en soi une nuance», dit-il entre les dents. Le deuxième conseil assure que son client n?a pas voulu faire la bise sur les lèvres de la fillette. Cette dernière l?a affirmé devant Kharabi, le juge, et Kheloufi, le parquetier jamais prenable dans ces domaines sensibles car il est avant tout un père de famille effarouché devant les comportements de tels individus. Sans s?emporter, le procureur soupire profondément demande au juge d?intervenir. Il considère tout en fixant le détenu que poser ses lèvres sur celles d?une gamine de neuf ans en guise d?affection, peut paraître excusable, mais la serrer fortement et l?embrasser carrément est un acte inqualifiable et condamnable. La victime, coquettement vêtue, est debout près de son avocate qui lui tient sa main menue, a eu du mal à?re?raconter ces faits. Elle semble recroquevillée sur elle-même mentalement. Ce qui est certain, c?est qu?elle évite de regarder dans la direction de qui vous savez. Me Amrani plaide la vigilance du président. «Elle a tout juste neuf ans. Elle en paraît trois fois plus dans son regard. Quel sera son avenir sentimental ? Va-t-elle vite oublié ?», a marmonné le conseil qui a dénoncé le caractère délictuel de l?inculpé à qui il est demandé le dinar symbolique à titre de dommages et intérêts. «Cette demande émane du seul fait que l?honneur et la dignité n?ont pas de prix», ajoute-t-elle avant de souligner que le pardon ne peut être accordé car le traumatisme causé à toute une famille est considérable. Appelés à défendre leur client, les deux avocats, qui avaient établi une «feuille de défense» adéquate, se sont longuement étalés sur l?absence totale de perte de virginité, de dignité, d?hymen, d?honneur et autres sentiments de fierté. Me Boukemouche rend un vibrant hommage à la victime qui, via son conseil, n?a demandé que le dinar symbolique. Me Lakhdari n?a pas omis de s?en prendre aux qualifications du ministère public, de déplorer l?absence de témoins à la barre, de regretter que la fillette ait eu des idées noires et néfastes pour - seulement - deux bises. Les deux avocats ont insisté sur l?indulgence du tribunal et d?appliquer la loi qui n?est pas forcément la demande du représentant du parquet : quatre ans de prison ferme et le sévère réquisitoire aux termes inadéquats. Kharabi, le président, qui n?avait fait qu? écouter jusqu?à présent, éclate, mais sans éclats de voix ni passion : «Dites-nous inculpé, connaissiez-vous la victime ? Est-elle votre nièce ? une cousine ? une voisine ? une proche ? une belle-s?ur ? Etiez-vous obligé de lui faire des bises ?» Le détenu a mal encaissé cette minidiatribe. Pour la première fois, ses traits se tirent, son visage, qui était blême, est maintenant? livide, blanc comme au jour de ses funérailles. Heureusement pour lui et parce que c?est un inculpé sans «sale» passé ni casier, il écope d?un semestre de prison ferme au lieu des quarante-huit réclamés par Kheloufi. Ouf ! ont soufflé ses deux défenseurs.