Vécu Au grand dam de la pharmacologie moderne, les herboristes, connus sous l'appellation de «achaba», occupent encore une bonne place. Sur le marché du médicament à Tlemcen, ils perpétuent ? avantage économique oblige ? des pratiques médicinales ancestrales dont ils vantent les mérites comme pour créer parmi leur clientèle une guérison anticipée. Dans les souks hebdomadaires, sur la place du marché de la ville, leurs lieux de prédilection, ces marchands d'herbes ambulants étalent leurs produits et expliquent aux gens les vertus et les propriétés de leurs mixtures naturelles concoctées à base de plantes et autres ingrédients. Par crédulité ou par dépit face à l?inefficacité de certains traitements médicaux modernes, des citoyens, rongés par la souffrance, achètent ces mélanges douteux qu'on leur propose à des prix parfois faramineux. Les connaisseurs dans le domaine de la médecine traditionnelle reconnaissent l'effet thérapeutique de certaines plantes, mais mettent en garde contre le mauvais usage qu'on peut en faire et les complications et effets secondaires qui pourraient en résulter. «A vouloir se soigner par la médecine traditionnelle, certains malades ne font qu'aggraver l?évolution de maladies malignes nécessitant des interventions chirurgicales ou des traitements radiothérapeutiques et chimiques», avertit un médecin interrogé sur la question. De l'avis des «spécialistes» en thérapie à base de plantes médicinales qui ne réfutent pas les résultats spectaculaires de la médecine contemporaine, l'utilisation de certaines plantes aux propriétés médicales reconnues à travers les âges et répertoriées dans les manuels de la pharmacopée, reste limitée au soulagement de certaines maladies bénignes. Selon leurs récits, les «achoub» (herbes) qui poussent à profusion dans plusieurs régions du pays, et d'autres importées, généralement d'Orient, obéissent à toute une technique de cueillette, de conservation et de dosage. En Algérie, à Tlemcen surtout, l'été est la saison appropriée pour leur récolte. De nombreuses plantes fleurissent et atteignent leur maturité en cette période. Les différentes espèces de plantes qui poussent à l'état sauvage dans les buissons et les montagnes de la région de Tlemcen, comme le romarin et la lavande sauvages, le thym, la giroflée, la verveine, les fleurs d'eucalyptus et autres herbes aromatiques, sont très utilisées par les familles. Ces plantes, séchées et bien conservées, existent dans tous les foyers et sont souvent ingurgitées sous forme de tisanes et d?infusions après une minutieuse préparation. On leur reconnaît des effets sédatifs pour les soins de rhumes, migraines, toux et douleurs rhumatismales, souligne un chercheur en culture populaire de l'université de Tlemcen. Des médecins, sceptiques à propos des résultats thérapeutiques des plantes médicinales, estiment que le poids de la tradition dans la société algérienne «a fait que la médecine traditionnelle a encore de beaux jours devant elle», signalant, non sans ironie, que dans leurs propres familles, on recourt à l'usage des plantes pour soulager certaines douleurs.