Rendez-vous Un référendum est organisé aujourd?hui pour décider de l'avenir des énormes réserves de gaz de la Bolivie. «Tous contre le Tramparendum !» Le dirigeant syndical Roberto de la Cruz ne se contente pas d'appeler au boycott du référendum qui convie, aujourd?hui, 4,4 millions de Boliviens à se prononcer sur la politique d'hydrocarbures de leur pays. Il l'a affublé d'un surnom, «tramparendum», «référendum piège», et a composé une chanson propre à galvaniser les esprits. Pour faire échouer la consultation, le leader populaire de la ville d'El-Alto, sur les hauteurs de la capitale La Paz, et ses pairs de la Centrale ouvrière bolivienne iront plus loin. Ils seront à la tête d'une «grève civique», chargée de bloquer les routes et d'empêcher l'ouverture de bureaux de vote. Ils ne seront pas seuls : le leader Aymara Felipe Quispe a, de son côté, promis le chaos. La police est en ordre de bataille, de la capitale aux minuscules villages andins. Car les manifestations, cauchemar du président Carlos Mesa, qui a fait de la réussite de cette consultation une condition pour son maintien au pouvoir, ont déjà commencé, incitant le gouvernement à dépêcher des négociateurs sur tous les fronts, avec la médiation de l'Eglise. Néanmoins, en optant pour cinq questions longues et ambiguës, le chef de l'Etat a choisi de ne pas répondre à celle qui divise le pays : A qui doivent appartenir les hydrocarbures ? La première question du référendum propose certes l'abrogation de la loi 1689, symbole de la politique de Goni. Mais le cadre législatif établi par ce dernier englobe une demi-douzaine d'autres textes. «Au bout du compte, Mesa ne touche à aucun des intérêts majeurs des multinationales», note le spécialiste des questions énergétiques, Fernando Vincenti. «Quand les classes populaires s'en rendront compte, elles risquent de réagir très violemment», prévient-il. Les marges de man?uvre de Carlos Mesa, il est vrai, sont faibles. Le MAS (Mouvement vers le socialisme) du chef des producteurs de feuilles de coca Evo Morales lui a apporté un soutien modéré, en approuvant, contre la gauche radicale, le référendum. Mais, à six mois de municipales cruciales, Evo Morales ne prendra pas le risque de perdre sa base populaire si elle se prononce contre la politique d'hydrocarbures du président. A l'autre bout de l'échiquier politique, Carlos Mesa doit rendre des comptes à un patronat refusant l'idée même d'un référendum, à l'image du président de la chambre de commerce de Santa Cruz, Zvonko Matkovitz, pour lequel «la sécurité juridique prime, il n'est pas question de revenir sur ce que nous avons accordé aux multinationales étrangères». Les exproprier coûterait d'ailleurs une fortune. Le gouvernement estime le montant des indemnisations entre 3,5 et 5 milliards de dollars, pratiquement le montant de la dette publique. Le pari de Carlos Mesa est risqué. D'autant que les résultats du référendum ne seront publiés que le 4 août, laissant largement le temps aux radicaux des deux camps d'exploiter l'incertitude. Alors que les blocages de route se sont multipliés ces derniers jours, l'armée vient de reconnaître que des officiers à la retraite envisageaient un coup d'Etat pour faire taire les leaders des mouvements sociaux.