Pratiques Ces femmes diseuses de bonne aventure, dites «chouafat», prédisent, dit-on, l?avenir. Elles ont de l?influence sur les femmes naïves, qui deviennent prisonnières de propos envoûteurs. Qu'elles se déplacent chez leurs clients ou qu'elles les reçoivent dans leurs «officines, ayant pignon sur rue», dans certaines villes de l'Ouest du pays, tout dépend de la réputation de la «chouafa». Elles profitent des âmes vulnérables et crédules parmi les femmes et même les hommes. Ces personnes espèrent trouver leurs réponses dans les cartes. Une fois les clients assurés et mis en conditions, les «chouafat» commencent par demander le «f?touh» (l?avance), sans quoi elles n'étaleraient pas les cartes. Les voyantes commencent par un «brin de causette en guise de préambule» pour connaître la situation sociale, la précarité et la détresse de ses clients. Elles devineront le reste. Elles déballent alors leurs prédictions. Elles exploitent d'une manière diabolique le mythe dichotomique du mal et de la vertu ; et en des termes génériques, elles leur confient par exemple : «Tu ne sais pas pourquoi ton mari te boude», s'il s'agit d'une femme mariée en difficulté, ou bien la chance n'est pas de son côté pour les filles et les célibataires endurcies, ou encore «la voisine est jalouse de ta réussite» et autres futilités de ce genre faisant le lot du quotidien du commun des mortels. En désespoir de cause et voulant en savoir plus, la clientèle finit toujours par mordre à l?hameçon. Avides de gains, ces cartomanciennes nomades, utilisant le tarot comme les «Amriates» par exemple, ou sédentaires, exigent de plus en plus d'argent et parfois même des objets précieux en or, lorsqu'elles arrivent à bien «tenir en laisse» leur cliente. Ces dernières blasées des difficultés de la vie et n'aspirant qu'à «exorciser le mal qui empoisonne leur vie». Nombreuses sont les personnes qui, à force de consulter les «chouafat», se sont ruinées, raconte une hadja sexagénaire qui considère «le recours à de tels procédés pour résoudre ses difficultés sociales ou affectives, comme un acte de désobéissance à Dieu». Cette citoyenne au regard vif, très sceptique du bien-fondé des prédictions de ces «chouafat» qu'elle qualifie de «maqchoufat» (dénudées), s'interroge en disant : «Si elles possèdent le pouvoir de connaître le sort d'autrui, pourquoi n'améliorent-elles pas leurs conditions de vie d'abord ?», faisant allusion sans doute à ces «chouafat amariate» ambulantes très mal habillées et faisant du porte-à-porte pour proposer leurs services. Beaucoup d'abus, d'escroquerie par la voyance ont été portés devant les tribunaux par les victimes, mais la société n'arrive toujours pas à se débarrasser des pesanteurs de l'archaïsme, estime-t-on.