Cohabitation Ali et Rabah sont frères et bien qu'ils habitent l'un à côté de l'autre, ils s'évitent. Leurs épouses, elles, se haïssent. Sur deux tertres, à quelques mètres l'un de l'autre, se dressent les maisons des frères Ali et Rabah : deux maisons massives entourées de hauts murs hérissés de tessons de bouteille. Les terrains sur lesquels les deux maisons ont été bâties paraissent de dimensions égales, mais chacun des deux frères se dit spolié par l'autre d'une parcelle : c'est d'ailleurs l'origine de l'inimitié qui règne entre eux, une inimitié vieille de dix ans mais qui croît d'année en année. Les deux frères ne se rencontrent plus qu'aux fêtes ou aux deuils familiaux. Ils évitent de se croiser en empruntant le bout de chemin qui les lie encore, mais quand Ali, le cadet, rencontre Rabah, son aîné, il lui grommelle un bonjour. Mais pas question de s'enquérir de la santé de l'autre ou de se rendre chez lui. C'est que les épouses des deux frères, Bahia et Fatima, se détestent et recherchent la confrontation. Elles se sont déjà bagarrées à plusieurs reprises à propos des enfants et chacune jure de se venger de l'autre à la moindre occasion. Mais ce que les deux femmes ne savent pas, c'est que leurs enfants aînés, la fille de Bahia et le fils de Fatima s'aiment. Nadia et Nadir ont été élevés ensemble au temps où les deux frères ne formaient qu'une famille et vivaient sous l'égide du grand-père. Ils habitaient alors la vieille maison située au centre du village ; elle n'était pas très spacieuse, la vieille maison, mais on y était heureux. Et puis le grand-père est mort, suivi une année après par la grand-mère. Ali et Rabah auraient continué à vivre dans l'indivision, mais leurs épouses ne voulaient pas. Chacune voulait avoir sa propre maison. On a alors procédé au partage des biens de l'aïeul et on a décidé que chacun construirait sa propre demeure. Quant à la vieille maison, elle resterait commune : on y passerait ensemble les fêtes et on y recevrait les deux s?urs. Les terrains sont tirés au sort, mais tout de suite Fatima pousse son époux à contester le partage : la part de Ali serait plus grande. Le partage est refait et c?est au tour de la femme de Ali de protester. Il faut l'arbitrage de l'assemblée du village pour régler le différend. Le partage est finalement accepté mais les deux belles-s?urs se détestent et chacune pousse son mari à rompre avec son frère. On continue quand même à vivre dans la vieille maison, divisée en deux, jusqu'à ce que chacun achève la construction de sa propre maison. Rabah déménage le premier, suivi par Ali. Quant à la vieille maison on érige un mur en son centre, pas question que l'un entre dans l'autre moitié ou aille dans la nouvelle maison. ? Je ne veux plus entendre parler de ton frère et de son serpent de femme, dit Fatima, la femme de Rabah. ? Coupe toute relation avec ton frère et sa famille, dit Bahia, la femme de Ali. Les deux frères ne disent rien mais ils s'évitent : puisque leurs épouses ne se supportent plus, à quoi bon chercher à se voir ? Ils devraient, au contraire, s'éloigner l'un de l'autre pour éviter la confrontation. Les enfants ? Rabah en a six et Ali quatre ? font de même, à l'exception de Nadia et Nadir qui se voient... (à suivre...)