Beaucoup d?Algériens, dans un élan jubilatoire, aspirent à partager la vie avec leur cousine et ce en dépit du développement social qu?a connu notre pays et la simplification des contraintes géographiques. Paradoxalement, ce phénomène ne semble pas être une pratique traditionnelle liée à la pauvreté et à l?ignorance. Bien des familles aisées d?un niveau d?instruction satisfaisant perpétuent, en effet, cette pratique, autant dans les grandes villes que dans les régions rurales, dans l?objectif de préserver le capital et le patrimoine dont elles disposent. Comme le confirme M. Djuradin, professeur à l?université Belkaïd, expliquant que «le mariage consanguin est un réflexe de défense de privilèges». Indice Le taux relativement élevé de consanguinité en Algérie démontre bien que cette tradition séculaire, bien ancrée, est loin de disparaître. De famille très aisée, Zahia est fille unique. Elle venait à peine de terminer ses études universitaires lorsque son père lui a bien fait comprendre que hormis son cousin paternel, les autres prétendants ne seraient pas les bienvenus. «Pour mon père, il est inconcevable de faire bénéficier un étranger de mon héritage. Une fois, il m?a expliqué qu?il préférait mourir plutôt que de voir ses biens changer de partenaire ou de nom», raconte-t-elle. L?histoire de Zahia ne diffère pas de celle de Samia qui s?est mariée très jeune avec un cousin. Originaire de Sétif, elle est coiffeuse dans un quartier populaire d?Alger. Samia n?avait pas, pourtant, besoin d?étaler ses charmes pour trouver un mari. Seulement, à l?âge de 9 ans, elle avait déjà compris que son sort était scellé. C?est à son cousin paternel qu?elle avait été promise. «Nous avons vécu ensemble dans la même maison depuis notre naissance, c?est presque un frère. Je connais tout de lui, l?avenir ne nous a pas réservé de surprises», explique-t-elle. Nombreuses sont les familles qui imposent un mariage entre cousins à leurs enfants pour des considérations de préservation du lien familial, en dépit des conséquences, parfois désastreuses, sur leurs descendants. Le témoignage de Moussa est, d?ailleurs, très illustratif. Moussa R. est l?aîné d?une famille composée de cinq frères et quatre s?urs, tous mariés à des cousins ou des cousines. «C?est la malédiction qui nous poursuit», dit-il. Au moins dix de ses neveux vivent, à l?heure actuelle, une dégénérescence du système musculaire, alors que deux de ses nièces souffrent de troubles de la vision. Notons que le père de Moussa, marqué lui aussi par l?hérédité d?un mariage consanguin, est un paranoïaque. Le sort de cette famille n?est pas unique. Des centaines, voire des milliers de familles, vivent atrocement leur vie conjugale, aggravée par la survenue d?un enfant porteur d?une anomalie congénitale. La consanguinité en est souvent la principale cause.