Résumé de la 3e partie L?amiral donne un ordre qui risque d?entraîner le «Victoria» et le «Camperdown» à la catastrophe. Un seul navire est récalcitrant : le cuirassé «Camperdown». Il envoie le pavillon signifiant : «Je n'exécute pas, je n'ai pas compris.» ? Amiral ? demande le commandant dans le tube acoustique. ? Oui commandant ? ? Puis-je me permettre de vous faire observer que le commandant du «Camperdown» est ? comment dire ? interloqué ? Il semble de mon avis quant à... Je veux dire quant au résultat de la man?uvre ! Il fait savoir qu'il ne comprend pas cet ordre. ? J'ai une longue-vue également, commandant. Je vois aussi bien que vous. Signifiez-lui : ? Qu'attendez-vous pour exécuter ? ? Oui, monsieur, bien monsieur. Le commandant rebouche son tube acoustique, et dit à ses subordonnés : ? Messieurs, cette fois nous sommes deux commandants du même avis. Je crains que l'amiral n'ait plus toute sa tête. Si j'envoie ce pavillon, si le «Camperdown» obéit, et si j'obéis aussi, nous allons réussir la catastrophe navale la plus disciplinée de tous les temps ! Si l'un de nous deux refuse d'obéir, c?est le conseil de guerre ! Puissiez-vous vivre assez pour témoigner que même avec l'ordre écrit, j'ai protesté... » Pour comprendre ce qui va suivre, il faut se représenter ce qu'est la discipline sur un navire de guerre même de nos jours, à plus forte raison sur un cuirassé de la reine Victoria, à l'apogée de l'empire. La mort dans l'âme, le commandant du «Victoria» envoie donc au «Camperdown» le pavillon signifiant : «Qu'attendez-vous pour exécuter ?» Sur le «Camperdown», à 1 090 mètres de là, le commandant n'en croit pas sa longue-vue. Il se tourne lui aussi vers ses subordonnés et leur dit : «Messieurs, cet ordre est insensé ! L'amiral Tryon n'a plus toute sa raison !» Les deux commandants ont donc la même réaction. Et pourtant... ils exécutent ! ? Sachant pertinemment, mathématiquement, qu'ils vont saborder, ils virent l'un vers l'autre entamant chacun une courbe de 180 degrés ! Et les deux files de navires, derrière eux, entament la même man?uvre à leur suite. Bien mieux : comme les commandants du «Victoria» et du «Camperdown» sont tous deux d'excellents officiers de marine, qu'ils savent parfaitement ce qui va se passer chacun de leur côté, ils le calculent ! Sur leurs cartes marines, à peine le demi-tour amorcé, ils montrent à l'avance à leurs officiers avec un compas l'endroit où les deux cuirassés vont s'encastrer l'un dans l'autre ! Le commandant du «Camperdown» dit : «Messieurs, en fonction de notre vitesse commune et de nos courbes d'évitement différentes, la nôtre étant de 550 mètres et celle du ??Victoria?? de 730 mètres, compte tenu de la direction et de la vitesse du vent relativement négligeables, nous allons aborder le ??Victoria?? par son travers tribord à peu près à cet endroit-là» Et il trace une croix. «Messieurs, dit de son côté le commandant du ??Victoria??, notre courbe d'évitement étant la plus longue le vent de nord-ouest assez faible ne pouvant nous faire dériver beaucoup, nous allons être abordés par le ??Camperdown?? en fin de courbe, à peu près ici et à 1 090 mètres de distance ; un peu moins maintenant puisque la man?uvre est amorcée», et il trace une croix au même endroit que son collègue sur la carte... Mieux encore : le commandant du «Victoria», responsable de son navire, fait préparer l'évacuation d'urgence ! ? Que faites-vous ? lui demande l'amiral dans le tube acoustique. ? Je fais préparer les chaloupes, monsieur, nous allons être abordés, à plus ou moins cinq secondes d'erreur, dans neuf minutes et quarante-cinq secondes... (A suivre...)