Plainte «Quand je suis venue ici, pour la première fois, j?étais nouvelle mariée. J?avais 25 ans. Aujourd?hui, j?en ai 55, quatre enfants et je vis toujours dans les mêmes conditions», s?écrie Fatima. «Nous sommes ici depuis 1959 et, depuis, aucun changement. Nous avons protesté et cela n?a rien donné. Nos enfants ont été battus alors qu?ils réclamaient un droit. Je suis épuisée, fatiguée, déçue !» Fatima s?emporte et montre les minuscules toilettes que son mari a aménagées à l?intérieur de la cuisine. «Nous n?avions pas le choix. C?est ici aussi que l?on se douche. Si nous n?étions pas propres, nous serions ravagés par les maladies. Des W.-C. dans la cuisine, où avez-vous vu cela !?» Le cadet de ses enfants, âgé de 30 ans, a voulu se marier. Sa mère a demandé la main de sa bien-aimée, il y a une année. «Tout est tombé à l?eau. Nous avons cru que nous allions être relogés, comme l?ont promis les autorités locales. Mais voilà que l?on nous suggère des chalets ! Comment allons-nous nous mettre déjà à six dans un petit chalet ?», s?interroge-t-elle. Elle lève les mains et ses yeux noirs dégagent tant de colère et d?amertume. «J?ai attendu d?avoir 50 ans pour bénéficier d?un chalet, il me faut alors 50 autres années pour espérer vivre décemment dans un F4 !» Pas un jour ne passe sans qu?éclatent des disputes et des querelles familiales. L?un désire voir la télé, l?autre souhaite dormir, un autre exige du silence pour lire ! Impossible que le calme et la paix règnent dans la demeure. Le nid douillet alors se transforme en une véritable source de douleur et de disputes. Nul ne supporte l?autre, chacun alors prend ses distances et la guerre est déclarée entre les membres de la famille ! «Les soirées de ramadan sont les plus catastrophiques. Mon mari adore regarder la télévision pendant le repas, alors que l?un de mes gosses, un pratiquant, l?interdit. Et c?est la guerre ! Ils ne s?entendent jamais. Dès que quelqu?un se met à table, l?autre la déserte !» Sa fille, adossée à la porte de la cuisine, intervient soudainement. «C?est une misère ! Dès que mes frères veulent se changer, je sors dans le couloir. Nous avons une seule pièce comment faire ?» Une voisine, qui écoutait ces propos sans entrer dans la chambre, lance à Fatima : «Pourquoi parles-tu ? Cela ne servira à rien.» D?autres voisines se mêlent à la discussion et décrivent la promiscuité, l?insalubrité et la misère dans lesquelles elles vivent depuis près de 50 ans !