V?u Etabli depuis 1962 à Perpignan, René Olivès a toujours bercé le «rêve régulier» de revenir dans sa terre natale. «Je suis né en 1935 à Maison-Carrée, au centre, en face du monument aux morts, sur la place. J?y ai vécu pendant 14 ans puis nous avons emménagé dans les HLM. En 1962, nous sommes partis comme tout le monde. Cela fait 42 ans que je ne suis pas revenu. D?abord, il y a eu des raisons professionnelles, puis nous avons eu des enfants. Je signale au passage que ma femme est aussi native de Maison-Carrée. Et enfin, nous avons eu notre retraite. Et voilà que cette proposition d?effectuer ce voyage intervient, ce que nous attendions depuis longtemps parce que nous n?aurions jamais pris l?initiative de venir individuellement. Nous sommes venus avec plaisir. Nous ne le regrettons pas et nous repartons comblés. Tout ce que nous avons vécu en une journée, nous a profondément bouleversés. Il est évident que nous attendions cela depuis 42 ans. Nous espérions toujours revenir un jour ou l?autre et maintenant que nous avons eu cette opportunité, nous ne pouvons exprimer ce que nous ressentons. C?est à la fois émotionnel et sentimental. Je peux vous dire que tous mes souvenirs sont remontés : ma jeunesse, ma scolarisation jusqu?à notre départ alors que j?avais 27 ans, ainsi que mes amis Mon école «La Verdée» qui se trouvait à côté du square de Maison-Carrée. Puis j?ai commencé à travailler, à l?âge de 13 ans, dans une société de fabrication de tracteurs. Je tiens à préciser que mes parents ainsi que mes grands-parents sont nés en Algérie tandis que mes enfants et mes petits-enfants sont nés en France. Mes premières amours, c?est évidemment ici que je les ai vécues. Comme tous les jeunes de l?époque naturellement, on n?allait pas chercher loin. Vous savez les jeunes de l?époque n?étaient pas comme ceux d?aujourd?hui. Nous n?avions peut-être pas les mêmes moyens que la génération d?aujourd?hui mais nous avons vécu une jeunesse agréable, sentimentale? D?ailleurs, j?ai connu ma femme à l?école déjà. Elle est née à Maison-Carrée. Nous sommes toujours mariés. Par ailleurs, j?étais content de retrouver un ancien ami qui venait chez moi et chez qui j?allais. Il a mon âge. Nous avons passé toute notre jeunesse ensemble et voilà que nous nous sommes revus cet après-midi 42 ou 44 ans plus tard. C?est quant même fort comme émotion. En tout cas, j?espère revenir Incha Allah !» Interrogé s?il comprenait et parlait le dialecte algérien, René répond : «Je comprends, quant à le parler, il me reste quelques mots». Il n?avait aucune appréhension mais des «rêves» qu?il berçait avec son épouse Charlette et son frère Jean Campistron accompagné de son épouse Marie-Claire, native de Berkane au Maroc. Ne réalisant pas ce qu?il leur arrive, ils attendent de repartir sur l?autre rive de la Méditerranée pour mieux apprécier. René n?a pas vécu ce départ involontaire, il y a 40 ans, comme une agression, mais dira-t-il : «Il faut dire que nous ne sommes pas partis de notre propre gré». Son sentiment, au moment du départ, n?est plus le même aujourd?hui. Il préfère «laisser les choses comme elles sont, comme on les a laissées et comme on les a retrouvées, et profiter du moment». Il considère que cette terre est sienne, car à son arrivée en France à 27 ans, il ne connaissait pas ce pays, donc il estime que Alger est sa ville. René et Charlette n?ont cessé, durant les quarante ans, d?évoquer ce passé et de le raconter à leurs enfants.