Oued El-Harrach n?a plus rien à envier à la légendaire pureté des eaux de la Tamise à Londres. En effet, cette dernière vient d?être portée sur la longue liste des cours d?eau les plus pollués de la planète transformant de ce fait l?idée que se sont forgée les Londoniens sur sa propreté depuis des siècles en utopie. «C'est un désastre, la Tamise va mettre des années pour reconstituer son écosystème», s?écrit Jon Goddard, un expert de l'Agence de l'environnement chargée de surveiller le niveau de pollution. Il notera au passage que si les dernières pollutions ne constituent pas des records absolus, elles n'en restent pas moins inquiétantes. L?alerte a été donnée le 3 août dernier quand des milliers de poissons avaient péri, dans une zone résidentielle de 550 km2 de l'Ouest londonien, où s'était brusquement déversé jusqu'à un million de tonnes d'eaux d'égouts à la suite d'un violent orage. Une semaine plus tard, un autre million de tonnes d'eaux chargées d'immondices était rejeté à proximité de deux usines d'épuration saturées, incapables de faire face à une nouvelle tempête. A Londres, les mêmes tuyaux d'évacuation recueillent l'eau de pluie et l'eau usagée, acheminées ensemble vers les usines de retraitement. Seul hic, le système arrive régulièrement à la limite de sa capacité après des précipitations. Certaines des 57 valves, espacées le long des berges boueuses de l'estuaire de la Tamise, sont alors tout simplement ouvertes pour éviter un pis-aller... le débordement des égouts dans les rues de la capitale britannique. Ce type d'incident arrive en réalité 50 à 60 fois par an, entraînant ainsi le déversement de 20 millions de tonnes d'eaux usagées directement dans la Tamise, précise Jon Goddard. «Voir un tel volume d'ordures passer au c?ur de la capitale britannique, en passant devant le Parlement, est une honte», juge M. Goddard. Pour l?histoire, En 1858, «the great stink» (la grande puanteur) de la rivière avait entraîné la suspension des séances du Parlement de Westminster situé sur ses rives suscitant la décision de doter la ville d'un vrai système d'égouts, encore opérationnel aujourd'hui. Côté remède, les experts se sont mis d'accord sur un traitement de choc, à savoir construire sur le lit de la rivière un tunnel de 34 km pouvant recueillir et stocker l'eau des orages et des égouts en attendant leur traitement. Mais le gouvernement semble pour l'instant dubitatif sur son coût (2 milliards de livres), sans compter que le projet titanesque prendrait une quinzaine d'années pour être réalisé.