Si dans la littérature et la symbolique européennes le renard évoque la ruse et la malice, dans les légendes et les fables algériennes et surtout maghrébines, c'est le chacal qui les représente. C'est seulement ensuite que viennent d'autres personnages comme le hérisson. Le chacal est appelé ddib en arabe ; quant aux dialectes berbères, ils emploient tous le même mot pour le désigner, uchchen, à l'exception du touareg qui emploie abeggi. On dit h'illi ki ddib, yeh'rech am uchchen (malin comme le chacal) et l'expression mmut ddib, imut n wuchchen (la mort du chacal) se réfère à une ruse habituelle de l'animal : faire le mort pour échapper à ses ennemis qui s'apprêtent à se saisir de lui. Le recours constant à la ruse a valu à l'animal le surnom de khadda'â (traître, félon). Avant d'être le symbole de la ruse, le chacal représente d'abord la nature dans ce qu'elle a de plus sauvage. En arabe dialectal comme en berbère, le nom du chacal entre dans la composition de nombreux noms de plantes sauvages. Ainsi, on a berquq eddib (en berbère lbarquq n wuccen), littéralement prune du chacal, prunus spinoza, variété de prunes sauvages, a'neb ddib (adhil n wuchchen), raisin du chacal ou belladone, etc. Le nom du chacal apparaît également dans la toponymie, notamment les noms de fontaines : les aïn ddib et tala n wuccen sont très nombreuses dans tout le nord de l'Algérie. Le toponyme le plus connu est Aïn Témouchent, composé arabo-berbère signifiant «fontaine, source du chacal femelle». Signalons pour finir que le nom du chacal, aussi bien en arabe qu?en berbère, a fourni des noms propres. S'agit-il de sobriquets devenus noms ou alors des restes d?une ancienne mythologie accordant une place importante au chacal ? De cette mythologie, il nous reste notamment une expression, «noces du chacal», que nous examinerons prochainement.