Frappe ■ La coalition internationale dirigée par les Etats-Unis a procédé, ce matin, à une nouvelle frappe aérienne contre les djihadistes du groupe Etat islamique (EI) qui assiègent la ville syrienne de Kobané. Immédiatement après cette attaque, une épaisse fumée noire s'est élevée au-dessus d'une colline située à l'est de la ville, où les combats faisaient toujours rage entre combattants kurdes et forces de l'EI. Le son des obus de mortiers et des tirs nourris était audible depuis la frontière turque ce matin. Mustafa Ebdi, militant et journaliste de Kobané, a affirmé que «les rues du quartier de Maqtala», dans le sud-est de la ville, étaient «pleines de cadavres des combattants de Daesh», l'acronyme arabe de l'Etat islamique. Mais des centaines de civils sont encore dans la ville, ajoute-t-il. La situation humanitaire devient difficile car les gens ont besoin de nourriture et d'eau. Il est très difficile d'évaluer le nombre de civils encore présents dans la ville, certaines sources faisant état d'une fuite totale de la population, tandis que d'autres, comme M. Ebdi, affirment qu'il reste des habitants. Dans la nuit, selon Idriss Nahsen, 350 civils sont passés en Turquie, mais les services de renseignement turcs les ont interpellés, les soupçonnant de liens avec les rebelles du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK). Ces civils sont pour l'instant retenus dans deux bâtiments dans un village à la frontière, et vont être transférés vers les prisons des villes de Sanliurfa et Diyarbakir. «S'ils ne sont pas libérés, ils s'immoleront», a ajouté M. Nahsen, précisant qu'ils avaient déjà mis le feu à des couvertures dans la nuit. Les djihadistes qui veulent s'emparer de Kobané, ville kurde du nord de la Syrie frontalière de la Turquie, se sont retirés de certains quartiers en raison des frappes de la coalition .C'est ce qu' a affirmé ce matin une ONG. Selon le directeur de l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH), «les combattants de l'EI ont été contraints de se retirer de certains secteurs de l'est d'Aïn al-Arab (le nom arabe de Kobané) et de la périphérie sud-ouest». Désormais, les djihadistes ne sont plus présents dans l'ouest, mais gardent encore des positions dans l'est de la ville et dans la périphérie sud, a-t-il précisé. Il a indiqué que ce retrait était survenu après que leurs «positions arrières ont été touchées par les frappes causant des victimes dans leurs rangs et endommageant au moins quatre de leurs véhicules». L'EI est entré à Kobané avant-hier soir après près de trois semaines de combats autour de la ville. Hier, les combats ont fait rage dans l'est, l'ouest et le sud de Kobané, troisième ville kurde de Syrie. Kobané est devenue le théâtre d'«une guérilla urbaine», a résumé le directeur de l'organisation, Rami Abdel Rahmane, dont l'ONG a fait état de plus de 400 morts, en grande majorité des combattants des deux camps, depuis le début de l'offensive djihadiste le 16 septembre. «Les YPG (Unités de protection du peuple kurde) mènent une résistance acharnée», a affirmé Ozgur Amed, un journaliste proche de la ligne de front. «Notre moral tient bon. Nous avons juste peur de la détérioration de la situation humanitaire». «La situation a changé depuis hier (mardi). Les YPG ont repoussé les forces de l'EI», a affirmé Idriss Nahsen, un responsable local, ajoutant que les frappes avaient été «utiles» R. I. / Agences Affrontements meurtriers en Turquie Quatorze personnes ont perdu la vie lors de violents heurts survenus hier en Turquie, entre les forces de l'ordre et les manifestants kurdes dénonçant l'inaction d'Ankara contre les djihadistes qui veulent s'emparer de la ville kurde de Kobané en Syrie, ont rapporté ce mercredi les sources de sécurité et les médias turcs. Les incidents les plus meurtriers se sont produits dans le chef-lieu de la zone kurde de Turquie, Diyarbakir (sud-est), où huit manifestants ont été tués. Les forces de l'ordre ont réprimé toute manifestation dans d'autres villes du sud-est anatolien, provoquant des morts et blessés. Des heurts ont également opposé les militants kurdes à des adversaires politiques, notamment du petit parti politique islamiste, HUDA-PAR. Mobilisés à l'appel du principal parti politique kurde de Turquie, les Kurdes sont descendus dans les rues de tout le pays pour dénoncer le refus d'Ankara de voler militairement au secours de Kobané (Aïn al-Arab en langue arabe), en passe de tomber entre les mains du groupe Etat islamique (EI). De nombreux blessés et d'importants dégâts matériels ont également été recensés, notamment des bâtiments publics et appartenant aussi au parti gouvernemental de la justice et du développement (AKP, islamo-conservateur). Des véhicules ont été incendiés et des banques ou des magasins pillés. Dans plusieurs districts d'Istanbul, qui abrite une importante communauté kurde, de violentes échauffourées ont opposé les forces de l'ordre aux manifestants prokurdes. La police a interpellé au moins 98 personnes dans cette mégapole, selon l'agence de presse Dogan. Les autorités locales ont décrété le couvre-feu à Diyarbakir, Mardin (sud-est) et Van (est), où l'armée a pris position, une mesure inédite depuis la levée de l'état d'urgence dans cette zone il y 12 ans, imposée en raison de la rébellion armée kurde du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK). Si Kobané tombe, les pourparlers de paix engagés il y a deux ans par Ankara et le PKK prendront fin, ont averti les Kurdes. Le ministre de l'Intérieur Efkan Ala a lancé le soir un appel au calme. Le président turc, Recep Tayyip Erdogan, a indiqué hier que Kobané était «sur le point de tomber» et a plaidé, en visitant un camp de réfugiés syriens à Gaziantep (sud), pour une opération militaire terrestre contre les djihadistes. Scepticisme Le scepticisme quant à la possibilité de défendre la ville est partagé par plusieurs experts. «A ce stade, il est trop tard pour sauver Kobané. Cette avancée de l'EI prouve que la campagne de frappes de la coalition n'atteint pas son objectif, à savoir détruire les capacités militaires de l'organisation», pointe Mario Abou Zeid, analyste au centre de recherches américain Carnegie à Beyrouth. S'ils réussissaient à conquérir entièrement Kobané, les djihadistes s'assureraient le contrôle sans discontinuité d'une longue bande de territoire à la frontière syro-turque. De son côté, l'Iran a dénoncé hier «la passivité de la communauté internationale», et appelé à soutenir le gouvernement syrien contre «les terroristes». Grand allié de Damas, Téhéran estime que les frappes de la coalition ont pour objectif réel de déloger le régime de Bachar al-Assad. Appel de l'envoyé spécial en Syrie Depuis Genève, l'envoyé spécial des Nations unies en Syrie, Staffan de Mistura, a appelé à «agir immédiatement» pour sauver la ville de Kobané des djihadistes, alors que les frappes orchestrées depuis plusieurs jours par la coalition américano-arabe en Syrie ne parviennent pas à les arrêter. «La communauté internationale a le devoir de la défendre. La communauté internationale ne peut pas tolérer qu'une nouvelle ville tombe aux mains de l'EI», a-t-il souligné.