Réalité ■ Dès l'arrivée de la saison de collecte de figues et d'olives, des propriétaires de vergers se lancent à la recherche de personnes à qui confier la tâche. Car les jeunes d'aujourd'hui ne s'intéressent guère à ce travail, ayant préféré quitter leur patelin pour aller vivre et exercer divers métiers dans les différentes villes du pays. Même ceux qui vivent encore dans ces villages tournent le dos à toute activité liée à l'agriculture de façon générale et en particulier à l'arboriculture. Une tendance qui s'avère très préjudiciable et qui est à l'origine de l'abandon d'une richesse en voie de déperdition constante. Les personnes âgées, propriétaires de champs d'oliviers et de figuiers, se retrouvent alors contraintes de solliciter d'autres personnes pour assurer la récolte de ces produits. «J'ai sollicité plusieurs personnes et j'ai, enfin, pu trouver un accord avec quelqu'un qui récolte les figues sèches et les olives. Il a exigé de partager la collecte, ce que j'ai accepté, car mieux vaut avoir une petite moitié que de perdre tout !», avoue Aâmi Aâmar, quinquagénaire, habitant au village Aït Laâziz, dans la wilaya de Bouira. Le propriétaire devient, ainsi, partenaire égal avec une autre personne, qui se charge, volontiers, d'amasser ces fruits, qui avaient fait, plusieurs années durant, l'une des sources de revenu et de survie dans les localités montagneuse de Kabylie, comme dans plusieurs autres régions du pays. Ces hommes, qui ont passé de longues années de leur vie à entretenir ces arbres fruitiers et qui cueillaient avec bonheur et fierté le fruit de leur travail, assistent impuissants à l'attitude actuelle de la jeune génération, dont le souci majeur est de trouver des emplois «propres et moins épuisants». D'ailleurs, dans les villages de Kabylie, les jeunes se font très rares et certains y viennent rarement pour des circonstances bien déterminées ( fêtes, décès, maladie d'un proche...). «Nous ne sommes pas contre la volonté de nos enfants qui désirent mener une vie décente. Mais quand on voit cette richesse abandonnée de la sorte, cela nous fait une peine énorme», regrettent certains de ces hommes. «Mes trois enfants vivent dans le village et il travaillent juste à côté, mais ils ne veulent pas assumer cette tâche. Ils préfèrent acheter des figues et l'huile d'olive que d'exploiter leurs propres vergers. Je suis persuadé que cette richesse va être complètement délaissée après ma mort», se désole Aâmi Mokrane, habitant au village Thachat, dans la commune de Tizi Ghennif ( sud-ouest de Tizi Ouzou). Ces cris de détresse émanant d'hommes âgés reflètent une réalité amère et une nouvelle mutation que connaît la société algérienne, ces dernières années. Les jeunes n'ont plus ce lien «affectif» avec le travail de la terre et optent plutôt pour d'autres activités loin de leur patelin. Des milliers de vergers, aujourd'hui «envahis» par des espèces forestières et des terres, qui étaient jadis cultivées de toutes sortes de semences, sont totalement désertés. Certains ne savent même pas où se situent les terres de leurs ancêtres...